Syrie : et si le cessez-le-feu n’avait pas lieu à Idlib ?

4 ONG redoutent les conséquences qu’entrainerait la non-application de l’accord russo-turque, qui doit être mis en œuvre d’ici le 15 octobre.

Il y a près d’un mois, le 17 septembre dernier, le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, annonçaient la création d’une « zone démilitarisée » sous leur contrôle dans la région d’Idlib (nord-ouest). Dernier grand bastion rebelle en Syrie, dont Bachar al-Assad veut à tout prix reprendre possession, la zone abrite quelque 3 millions de civils et plusieurs dizaines de milliers de combattants, dont plusieurs appartiennent à des factions islamistes : le Front national de libération, proche de la Turquie et allié des Frères musulmans ; Hayat Tahrir al-Cham, un groupe djihadiste issu du Front al-Norsa, ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie.

« Bouée de sauvetage »

L’accord signé le mois dernier par Moscou – fidèle allié de Damas – et Ankara visait à éviter un carnage en préservant autant que possible les populations civiles. Et prévoyait « le retrait de tous les rebelles à l’esprit radical » ainsi que celui des armes lourdes appartenant aux groupes armés. Sauf que plus la date-butoir pour le cessez-le-feu (15 octobre) approche, plus « les habitants d’Idlib et les travailleurs humanitaires retiennent leur souffle », indique Joelle Bassoul, porte-parole de Care pour la Syrie. Dans un communiqué de presse publié vendredi 12 octobre, l’ONG, ainsi que trois autres, ont exprimé leur crainte de voir l’accord russo-turc demeurer lettre morte. Ce qui entrainerait, selon elles, des « violences […] incontrôlables dans les prochains jours ».

Selon le texte du communiqué conjoint, des informations selon lesquelles différentes parties au conflit refusent effectivement d’accepter les termes de l’accord « menacent l’espoir des populations », alors que celui-ci « offrirait une bouée de sauvetage » aux civils retranchés dans Idlib. Kumi Naidoo, le nouveau secrétaire général d’Amnesty International, qui a fait le voyage jusqu’à Idlib pour constater la situation, partage l’inquiétude des 4 ONG« Nos craintes pour la population d’Idlib sont attisées par le fait que le gouvernement syrien a déjà montré son mépris total pour les principes d’humanité fondamentaux », a-t-il affirmé. « Même si les termes de l’accord sont connus, qu’en sera-t-il si les parties au conflit ne l’appliquent pas ? Est-ce que ce sera une guerre totale ? Maintes et maintes fois, des accords similaires ont tout simplement abouti à un bain de sang » prévient Joelle Bassoul.

« Protection sur le long terme »

Mercredi 10 octobre, pourtant, le ministère turc de la Défense a annoncé que la zone démilitarisée, qui s’étend sur une zone-tampon de 10 à 15 kilomètres de large, était bien en place. Quant au ministère russe des Affaires étrangères, il a précisé dans le même temps que plus de mille combattants rebelles avaient quitté la région, conformément à l’accord signé entre les deux puissances. Pas de quoi rassurer pour autant les habitants d’Idlib. « Certains de nos bénéficiaires ont fait le plein de nourriture et s’attendent à rester bloqués chez eux pendants des jours si les combats reprennent, témoigne effectivement Arnaud Quemin, directeur de Mercy Corps en Syrie, l’une des 4 ONG qui a signé le communiqué. D’autre ont fait leurs bagages et s’apprêtent à fuir dès le premier raid aérien. Dans les deux cas, si les conditions de sécurité ne nous permettent pas de travailler, nous ne pourrons pas venir en aide à ces personnes » prévient-il.

Ce qu’il faudrait à la population et aux travailleurs humanitaires ? « Un accord qui leur offre une protection sur le long terme et qui permette l’acheminement de l’aide à tous ceux qui en ont besoin » affirme Lorraine Bramwell, directrice d’International Rescue Committee (IRC) pour la Syrie. Car, comme l’a rappelé Kumi Naidoo, l’accord russo-turque « n’est que temporaire, ce qui signifie que les civils ne seront sans doute pas protégés pendant longtemps, surtout ceux qui vivent en dehors de la zone désignée. » Sans compter que ces dernières semaines, « la population [à Idlib] a doublé […] à cause de l’arrivée de Syriens d’autres régions », s’inquiète Lorraine Bramwell, qui précise que si « les opérations militaires commencent, nous aurons du mal à fournir de l’aide aux centaines de milliers de personnes qui en ont besoin ».

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