Le chef chiite est apparu samedi dernier sur une vidéo où on le voit échanger avec des membres du Hezbollah dans le sud du Liban.
Une vidéo montrant le chef de la milice irakienne Asaïb Ahl al-Haq (« la ligue des vertueux »), soutenue par l’Iran, Qaïs al-Khazali, à la frontière israélo-libanaise, au début de la semaine, a suscité un large débat. Il a été vu sur les images en uniforme militaire, rencontrant les factions du Hezbollah, le mouvement chiite libanais, et annonçant que « le pays tout entier, avec le Hezbollah, est prêt à combattre et à créer l’Etat islamique gouverné par le Mahdi attendu », faisant référence au douzième imam chez les musulmans chiites. Une sortie qui a enflammé les réseaux sociaux libanais et donné lieu à une large discussion sur le personnage d’Al-Khazali qui, il y a quelques mois à peine, s’était chargé d’annoncer l’avénement de l’Organisation Badr (anciennement les Brigades Badr), une milice chiite irakienne totalement soutenue par l’Iran.
Groupes spéciaux
Après la diffusion de la vidéo montrant l’entrée illégale du chef milicien dans le pays, dans un endroit situé « à 10 kilomètres du Golan », territoire syrien annexé par Israël, le Premier ministre libanais, Saad Hariri, tout juste revenu aux affaires, a demandé qu’il soit interdit de pénétrer davantage au Liban. Ainsi que soient menées les « mesures et enquêtes nécessaires pour empêcher toute personne d’exercer des activités à caractère militaire sur le territoire libanais », selon une déclaration publiée par son cabinet. M. Hariri a même été soutenu par une grande partie de son gouvernement, qui a condamné l’apparition de Qaïs al-Khazali au pays du Cèdre.
Celui-ci est né dans la ville de Sadr, à l’est de Bagdad, en 1974. Il termine ses études secondaires dans la capitale irakienne, où il étudie également la géologie à l’université, avant de s’intéresser fortement aux études religieuses, notamment grâce à un mentor : Mohammed Sadeq al-Sadr, un leader chiite pour lequel il travaillera par la suite et ce jusqu’à sa mort en 1999. Après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, Al-Khazali créé les Groupes spéciaux – nom donné par les Américains aux milices irakiennes – pour combattre aux côtés d’Akram al-Kaabi, le chef de la milice chiite irakienne Al-Nujuba. Les deux hommes créeront ensuite l’Asaïb Ahl al-Haq en 2006, dont Qaïs al-Khazali est aujourd’hui le leader.
« Occupation israélienne »
Ce groupe adhère totalement à l’idéologie de la République islamique d’Iran et souhaite instaurer un gouvernement islamique chiite en Irak, fondé sur le Velayat-e faqih – principe théologique imaginé par l’ayatollah Khomeyni qui accorde la primauté du religieux sur le politique. L’Asaïb Ahl al-Haq, proche de l’ancien Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, devient un mouvement politique en Irak après le départ des Américains, en 2011. Ceci après avoir sévi dans différents conflits – nationaux comme régionaux -, dont la guerre israélo-libanaise de 2006, où il a épaulé le Hezbollah contre Israël. La milice irakienne participe également à la guerre en Syrie et sera accusée de plusieurs massacres contre des populations sunnites, en juillet et août 2014.
Qaïs al-Khazali, après s’être fait arrêté et emprisonné pendant plus de deux ans par les forces britanniques, en 2007, commence à s’impliquer dans la vie politique irakienne. Tout en restant très lié, ainsi que sa milice, au parrain iranien, dont il reçoit dispose déjà d’un acteur influent dans la région. Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, avait d’ailleurs annoncé sa démission le 4 novembre dernier depuis Riyad, en raison du poids trop grand que prenait Téhéran dans le pays, avant de revenir sur cette décision. Israël non plus ne voit pas d’un très bon oeil la présence d’un milicien chiite à sa frontière. D’autant plus lorsque celui déclare « être prêt à être uni avec les Libanais et la cause palestinienne face à l’occupation israélienne. » Ou comment se mettre tout le monde à dos.
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Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.