« Ce qu’il se passe au Parlement européen est possible parce que depuis sa création il y règne un grand manque de transparence. »
Bruxelles fait partie avec New-York et Genève des villes les plus sensibles en termes de pouvoirs et donc d’influence. Elle y regorge d’espions comme de lobbyistes, tous pas forcément très bien intentionnés. Depuis longtemps, on reproche aux institutions européennes de ne pas être assez strictes sur ce sujet et on a pu découvrir à travers le scandale du « Qatargate », que l’on peut désormais plutôt renommer plus largement « EUgate » que les portes de la corruption sont ouvertes à tout le monde. Chacun décide d’y accéder… ou pas. La vraie question à se poser aujourd’hui dans cette affaire est de savoir si l’appellation Qatargate un peu trop rapidement attribuée n’est pas au minimum réductrice, voire erronée ?
Nombre de pays cherchent à faire entendre leur agenda. Comme d’autres, le Qatar a voulu drainer l’attention de la communauté internationale et, dans son cas, se départir aussi de l’image du simple voisin de l’Arabie Saoudite et des Emirats qui jouent aussi des coudes pour faire entendre leur voix. Il s’agit de parier sur une visibilité de sa croissance économique et de montrer les changements progressifs sociaux et humains dans son développement. Tout est loin d’être parfait, mais quel pays l’est ? Et quoi de mieux de profiter d’une bonne coupe du monde fédératrice pour ce faire et expliquer cette modernisation? Des membres peu scrupuleux des institutions européennes semblaient même prêtes à proposer leur aide en toute illégalité.
Du Qatargate à l’Eurogate ?
Toute l’attention a donc été portée sur le Qatar dès lors qu’il a été considéré comme pays amphitryon pour la coupe du monde 2022, avec les polémiques que l’on connaît lors de la construction des stades. Le simple fait d’appeler aujourd’hui Qatargate les faits de corruptions au Parlement européen laisse croire que ce pays a tissé sa toile sur la bonne samaritaine européenne. La vraie question est de comprendre vraiment qui a fauté et qui il faut blâmer dans ce que ce les médias européens, qui aiment attribuer, comme à la grippe espagnole, une nationalité à un problème, ont décidé d’appeler le Qatargate.
Et pas seulement les médias. Le Parlement européen, droit dans ses bottes et moralisateur, décide qu’en matière de droits humains, l’herbe est toujours moins verte ailleurs. On est tellement mieux chez nous quand on sait ce qu’il se passe loin de nos frontières. C’est sa façon manichéenne de fonctionner depuis toujours parce que le Parlement européen, c’est surtout une structure qui représente l’exemplarité politique et qui ne peut/ doit pas fauter.
Les exemples de manquent pas. On a vu Dame Europe blâmer la Hongrie de Viktor Orban en la menaçant de perdre son vote au Parlement, lui reprochant le non-respect des libertés humaines, de démocratie, de droit à l’information et on l’accuse même de …corruption , la considérant comme un danger pour l’Europe. Pourtant, on continue à la financer. Mais voilà que certains membres de l’Europe péripatéticienne se seraient laisser acheter constituant en elle-même son propre danger.
Ce qu’il se passe au Parlement européen est possible parce que depuis sa création, il y règne une impunité tellement grande et un manque de transparence sur le dossier du lobbying. Aucun règlement, comme c’est le cas à la Commission européenne, n’impose aux différents lobbies actifs et en orbite autour de ces institutions de s’inscrire sur une liste de transparence et d’y apposer son idéologie et ses intérêts clairement avoués. Et c’est sans doute pour cela, que des élus du Parlement et des fonctionnaires de l’institution ont franchi le rubicond sans s’inquiéter du loup qui rôde. Qui blâmer dès lors si des élus proposent leurs services obscurs à des pays qui voient une offre se présenter ?
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, va maintenant devoir pallier cette situation lacunaire par une règlementation semblable à celle de la Commission. Il faut désormais agir : pas de rencontre avec un groupe d’influence sans inscription sur la liste de transparence. Mais cela sera-t-il suffisant?
Groupes d’influences, groupe de com’ et lobbies
L’EUgate, comme nous allons l’appeler ici, a mis en lumière un certain nombre de groupes d’influences qui gravitent autour du Parlement européen. Parmi ceux-là, la fausse ONG de l’ancien député européen, Pier Antonio Panzeri, au nom cynique de « Fight Impunity » , censée défendre les droits de l’Homme, la démocratie et la justice internationale. Et engrangeant des fonds, des subsides et du mécénat pour cela.
Il y a différentes manières de faire du lobbying : on peut créer des boites de communication qui approchent les personnes influentes pour les convaincre de leur politique. Ces groupes de communications, de fait, sont licites. Et puis il y a désormais ces officines internes au Parlement. Il y a plus de 16 000 organisations reconnues par ce dernier et il faudra enquêter. Il va falloir gratter plus loin et établir la cartographie des différents réseaux corrupteurs illicites au sein du fruit européen car nous n’en sommes qu’au début de l’enquête.
Crédits photo : L’hémicycle du Parlement européen (Wikimedia Commons).

Yannick Buys est journaliste indépendante et correspondante depuis 20 ans au Mexique auprès de nombreux médias internationaux. Spécialiste en géopolitique, elle travaille également depuis plusieurs mois en Belgique pour la télévision et la presse écrite.