Beaucoup regrettent la corruption d’une classe politique qui peine à se renouveler au Liban.
Les Libanais ne se passionnent visiblement pas beaucoup pour les élections législatives du 6 mai prochain. C’est la leçon que l’on peut tirer du sondage réalisé du 19 décembre 2017 au 14 janvier 2018, où tout juste la moitié des 2 400 participants (50,9 %) a répondu qu’elle irait « très probablement voter », quand plus de 20 % des sondés n’ira pas ou s’abstiendra. Pour rappel, lors des législatives de 2009, le taux de participation s’élevait à 54,08 %, mieux qu’en 2005 où il avait dégringolé à 45,80 %.
976 candidats dont 111 femmes en 2018 – contre 702 candidats dont 12 femmes en 2009
Début mars, le ministère de l’Intérieur libanais a annoncé que le nombre total de candidatures s’élevait à 976 – dont 111 femmes – contre 702 – dont 12 femmes – en 2009. Et cette année, les Libanais testeront un nouveau mode de scrutin, basé sur la proportionnelle et un découpage modifié des circonscriptions électorales ; le panachage – pratique qui consiste à échanger des noms sur une liste – n’est par exemple plus autorisé, et les électeurs n’ont plus le droit de venir munis de leur propre bulletin. Autant de réformes qui ne devraient pas avoir de grand impact sur la participation, qui devrait donc se situer aux alentours de 50 % du nombre d’inscrits.
« Mêmes promesses depuis 30 ans »
Le quotidien libanais L’Orient-Le Jour a tout de même souhaité donner la parole à celles et ceux qui savent d’ores et déjà qu’ils n’iront pas voter – un choix qui n’est pas motivé par le changement des règles du scrutin, mais plutôt par la situation politique et économique du pays. « J’ai voté pour la liste Beyrouth Madinati lors des élections municipales de 2016 car ce collectif regroupait des citoyens jeunes et éduqués qui œuvraient véritablement pour le développement du pays. C’était la première fois depuis six ans que les Libanais avaient l’opportunité de s’exprimer face à la classe politique traditionnelle accusée de corruption » affirme une professeure de français à Beyrouth.
Si elle s’abstiendra, le 6 mai prochain, c’est « en signe de défi […] car je n’ai pas confiance en cette classe politique […]. Les citoyens sont traités en fonction de leurs appartenances religieuse et politique. Ils ne sont pas respecté dans leur pays et ne jouissent même pas de leurs droits prévus dans la Constitution » pointe-t-elle du doigt. Un sentiment que partage une étudiante en école de commerce à Paris : « Ces élections auraient été ma première opportunité de voter, mais cela ne m’intéresse plus. […] Je ne vais pas perdre mon temps en allant voter pour les mêmes personnes qui font les mêmes promesses depuis au moins 30 ans » indique-t-elle.
Instabilité régionale
Globalement, les personnes interrogées soulignent un manque de confiance envers le monde politique, jugé « corrompu » et « inefficace ». « Face aux faux discours, à la propagande, à l’intoxication, au manque d’honnêteté et de moralité chez les candidats au Parlement, je ne vois pas l’intérêt de voter » lâche ainsi un retraité, qui regrette à demi mot que le confessionnel s’invite dans le politique – les places de députés attribuées dépendant en partie de la religion ; L’Orient-Le Jour parle d’« identité confessionnelle des sièges ». « Et les guerres qui ont lieu jusqu’à ce jour m’ont davantage convaincu de l’inanité de mon vote, bulletin blanc inclus » explique-t-il.
Outre une situation économique « résiliente », selon les termes du Fonds monétaire international (FMI) – le taux chômage est de 6,8 % et la croissance de 2 %, mais le déficit public frôle les 10 % du PIB -, dans un contexte d’accueil massif de migrants syriens notamment, le Liban souffre en effet régulièrement de l’instabilité régionale du Moyen-Orient. Le 6 novembre dernier, le Premier ministre, Saad Hariri, avait par exemple été prié par les Saoudiens – « protecteurs » de longue date de Beyrouth – de dénoncer l’ingérence du parti chiite du Hezbollah dans les affaires intérieures libanaises. Ceci en raison de la lutte que se livrent Arabie saoudite et Iran pour la suprématie de la région.
Lire aussi : Entre l’Arabie saoudite et le Liban, « rien n’est perdu »

Rédacteur en chef