« La preuve que des armes chimiques ont été utilisées par le régime Assad »

Hier, Theresa May s’est dite prête à répondre aux attaques chimiques du régime syrien, dont la France a la preuve.

L’heure est désormais aux certitudes. Emmanuel Macron l’a très clairement affirmé, hier midi, lors d’une interview accordée à la première chaîne de la télévision française. « Nous avons la preuve que des armes chimiques ont été utilisées par le régime de Bachar al-Assad » a déclaré le président de la République, faisant référence à l’attaque perpétrée il y a une dizaine de jours à Douma, dans la Ghouta orientale, qui a fait plusieurs dizaines de morts. Et scellé la reprise de cet ancien (désormais) fief rebelle par l’armée syrienne, qui l’assiégeait depuis 2013.

« Ligne rouge »

Plus aucune once d’atermoiement, donc. Car beaucoup, la France y comprise, accusaient avec plus ou moins de virulence le chef de l’Etat syrien d’avoir recours à de telles munitions. Quand bien même son pays fait partie des signataires de la Convention pour l’interdiction des armes chimiques depuis 2013. En février dernier, après une attaque au chlore présumée à Douma, François Delattre, l’ambassadeur français aux Nations unies (ONU), accusait Damas de s’être, par le passé, rendue coupable de telles attaques. Nikki Haley, son homologue américaine, de lui emboiter le pas, et d’aller même plus loin ; elle avait accusé Moscou – soutien indéfectible de Bachar al-Assad dans la région – de défendre coûte que coûte son allié syrien. Quitte à nier l’emploi d’armes chimiques.

Lire aussi : La « ligne rouge » a-t-elle de nouveau été franchie en Syrie ?

D’après l’ONG Human Rights Watch (HRW), l’armée de Bachar al-Assad a effectivement eu recours à de telles armes à 85 reprises depuis 2013 contre des populations civiles. Si, très tôt, les diplomaties américaine et française avaient fixé comme « ligne rouge » – au-delà de laquelle une intervention serait nécessaire – l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien, Damas n’a jamais eu à subir une quelconque réponse occidentale. Mis à part une fois ; il y a tout juste un an, l’attaque au chlore de Khan Cheïkoun, faisant plus de 80 morts, avait entraîné des frappes américaines sur une base syrienne.

« Ne pas frapper des cibles russes »

Cette fois-ci, en revanche, la question se pose réellement de savoir si Bachar al-Assad n’a pas commis l’acte de trop. Car la mécanique internationale s’est passablement ébranlée, ces derniers jours ; lundi dernier, les Etats-Unis ont convoqué une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU afin de présenter un projet de résolution pour diligenter une enquête sur les attaques chimiques. Et il fallait s’y attendre, la Russie a posé, hier, son veto à la création d’un « mécanisme d’investigation » – comme elle l’avait fait à plusieurs reprises déjà.

Lire aussi : Quelle réponse apporter à la récente attaque chimique en Syrie ?

Est-ce à dire que les Etats-Unis et la France – avec éventuellement le Royaume-Uni – devront agir de leur propre initiative ? En tout cas, ils ne pourront pas passer par le Conseil de sécurité. Se dessine dès lors en filigrane une intervention armée, à laquelle se prépare évidemment Bachar al-Assad. Et Moscou, qui a d’ailleurs mis en garde Washington contre le risque d’un conflit ouvert entre les deux puissances ; « les Etats-Unis doivent faire très attention à ne pas frapper des cibles russes ou tuer des conseillers russes, car [ils] sont très souvent intégrés aux troupes syriennes » renseignait il y a quelques jours à l’AFP Ben Connable, membre du centre de réflexion américain Rand.

« Accroître le chaos »

Si la situation est légèrement floue, pour l’instant, Nikki Haley a tout de même réaffirmé hier la volonté « des Etats-Unis et de ses alliés de lutter pour la vérité, la responsabilité et la justice, ainsi que pour la fin de l’utilisation des armes chimiques, pour le peuple syrien. » De son côté, Emmanuel Macron a déclaré dans le même temps qu’ « en aucun cas, la France ne laissera une escalade se faire, ou quoi que ce soit qui puisse endommager la stabilité de la région. Mais aujourd’hui, on ne peut pas laisser les régimes qui se croient tout permis, en particulier le pire, en contravention du droit international, agir. »

Lire aussi : En Syrie, Bachar al-Assad en passe de remporter son pari

Si certains estiment que l’étape suivante consiste en une « frappe chirurgicale » – sur des hiérarques du régime syrien, par exemple -, d’autres, en France notamment, s’opposent à toute intervention armée. A commencer par le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, selon qui le recours à la force ne « ferait qu’accroître le chaos ». De l’autre côté de la Manche, si l’on est déterminé à prendre des mesures pour répondre à l’attaque chimique de samedi dernier, le cabinet de Theresa May, la Première ministre, n’a pas précisé la nature de la réponse de Londres, ni son rôle.

Partages