Le « Davos du désert » 2018, vitrine des ambitions de l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite, au-delà de son capital en ressources pétrolières, cherche à promouvoir la diversification de son économie.

Le 26 octobre 2017, à l’occasion de la clôture de la première édition du Future Investment Initiative (FII), appelé communément le « Davos du désert », le prince Mohamed ben Salman (dit « MBS ») pouvait se féliciter d’avoir attiré plus de 3 000 participants représentant 90 pays à Riyad, pour échanger sur l’investissement, l’intelligence artificielle ou encore de grands projets économiques et d’infrastructure. L’ampleur de l’événement a montré la volonté de présenter une Arabie saoudite tournée vers la modernité, avec l’ambition de s’imposer en leader régional. Qu’attendre, dès lors, de la deuxième édition de ce Davos du désert, qui se tiendra une nouvelle fois à Riyad, du 23 au 25 octobre prochain ?

MBS, un prince ambitieux

L’Arabie saoudite, bien au-delà de son capital en ressources pétrolières, sur lequel elle s’est longtemps appuyée, cherche à promouvoir la diversification de son économie, en misant notamment sur l’innovation.

À l’occasion de la première édition du FII, Le discours du prince héritier du royaume hôte annonçait son ambition de transformation, lorsqu’il déclarait : « Nous voulons vivre des vies normales où notre religion et nos traditions se traduisent en tolérance afin que nous puissions coexister avec le reste du monde et prendre part à son développement. […] Nous allons créer un environnement pour l’Occident qui sera transparent, sûr, stable et compréhensible. »

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L’édition 2017 du Davos du désert avait ainsi été marquée par la présentation par MBS d’un projet pharaonique : la création d’une ville futuriste sur les bords de la mer rouge, gigantesque zone de développement économique, baptisée NEOM, d’une superficie de 26 500 km2, avec des investissements projetés à plus de 500 milliards de dollars. L’objectif est à la fois d’inclure les pays voisins, aux premiers rangs desquels la Jordanie et l’Egypte, et de dédier tout un espace au développement de secteurs de pointe comme l’énergie, l’eau, la biotechnologie, l’alimentation, le numérique, les médias et les divertissements. À cette ambition devaient répondre plusieurs investisseurs étrangers comme Richard Bronson, PDG de Virgin Galactic, qui était venu en personne promouvoir le projet et Masayoshi Son, le charismatique PDG de SoftBank, qui se montrait le plus enthousiaste des soutiens.

Objectifs : réussir la diversification, attirer des investisseurs

Les réformes d’inspiration libérale en Arabie saoudite et la volonté annoncée de s’affranchir de la dépendance au pétrole sont les clefs de la politique visant à attirer investisseurs et talents. Le fonds souverain d’Arabie saoudite, le « Public Investment Fund » (PIF), joue un rôle moteur dans cette diversification. Il ambitionne de gérer 2 000 milliards de dollars d’actifs d’ici 10 ans, en visant un rendement de 8 à 9 %. L’objectif affiché est de dépasser les 400 milliards de dollars d’encours d’ici à 2020 et des bureaux devraient ouvrir en 2019 aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et au Japon.

Le PIF, co-organisateur avec le prince héritier du Davos du désert, est l’instrument de la politique de transformation du pays à travers la mise en œuvre de son plan « Vision 2030 ». Le gouvernement a notamment transféré plusieurs milliers d’hectares de terres au PIF, afin de valoriser ces espaces en projets rentables, le NEOM en étant le meilleur exemple. Mais les difficultés pour voir sortir de terre ce gigantesque projet, à l’horizon 2025, comme le souhaite MBS, seront multiples : recrutement, financement, valorisation…

MBS peut-il réussir son pari ?

Le PIF mise, au-delà des recettes qu’il tire de ses investissements et de l’apport direct du gouvernement, sur un baril de pétrole à plus de 70 dollars. Mais il est difficile, à date, de garantir la stabilité ou la hausse des prix de l’or noir. A l’instar des difficultés du chantier du centre financier King Abdullah, démarré en 2006, dont un premier segment devait être livré en juillet 2017, les dysfonctionnements et la lourdeur administrative qui minent l’Arabie saoudite pourraient venir modérer les ambitions du NEOM. Ou sacrifier une partie du plan « Vision 2030 » en divisant les ressources financières. Par ailleurs, l’instabilité politique de la région reste le premier frein à l’entrée massive d’investisseurs.

L’Arabie saoudite profite cependant de l’image de réformateur de MBS, ouvert à l’extérieur, misant sur la jeunesse cherchant à attirer les experts internationaux dont le royaume a besoin. Sa posture d’homme fort, depuis l’arrestation de plusieurs dignitaires du régime, en novembre dernier, est d’ailleurs propre à rassurer les pragmatiques milieux d’affaires. La création estimée, dans le cadre du projet NEOM, de 20 000 emplois directs, en plus des 256 000 dans le secteur de la construction, va obliger le royaume à recruter à l’étranger. En particulier des profils hautement qualifiés. C’est un défi de taille pour un pays qui n’est parfois pas perçu comme suffisamment libéral par une partie de la jeunesse occidentale.

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En attendant que ses projets voient le jour, l’Arabie saoudite peut compter sur le soutien de onze personnalités qui ont déjà accepté de s’associer à son prochain Davos du désert, vitrine des ambitions du pays. Parmi elles, Peter Thiel (co-fondateur de PayPal avec Elon Musk), Stephen Schwarzman, patron de Blackstone, dans lequel le PIF a investi, Tidjane Thiam, qui dirige le Crédit Suisse, ou encore Masayoshi Son, créateur de SoftBank Vision Fund et proche du prince Ben Salman.

Le pari de ce dernier n’est donc pas encore gagné, mais son activisme a pour conséquence de bousculer les codes depuis longtemps établis dans la monarchie du golf. Reste à découvrir si le monde des affaires y sera sensible.

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