Depuis le 5 juin 2017, le Qatar est soumis à un blocus injustifié, selon l’ONU.
Depuis bientôt quatre ans, et sous l’impulsion du futur ex-président américain Donald Trump, le Qatar est sous le coup d’un embargo décidé unilatéralement par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte le 5 juin 2017. A l’époque, malgré la soudaineté de la décision, Doha est parvenue grâce à ses réserves de liquidités et son fonds souverain à compenser la perte des échanges habituels avec ses pays voisins, tout en redéployant ses échanges commerciaux vers le reste du monde et en développant de nouveaux partenariats. Dès 2017, le Qatar a protesté auprès des institutions internationales afin de dénoncer cet embargo qu’il considérait comme totalement illégal. Si les Nations unies (ONU) lui ont donné raison plusieurs fois, rien n’a jusque-là fait cesser le blocus.
A l’approche de la Coupe du monde de football en 2022, et dans un contexte où les projecteurs médiatiques n’ont de cesse d’être braqués sur l’Émirat, un récent rapport de la rapporteure spéciale de l’ONU sur l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’Homme, Mme Alena Douhan, met en lumière les nombreux problèmes de développement social et humain que cet embargo fait peser depuis des années sur le Qatar. Malgré des avancées en termes de droit du travail pour les ouvriers étrangers, l’annonce récente par l’émir Al-Thani d’élections l’année prochaine au conseil de la Choura, Mme Alena souligne les nombreuses difficultés qui se posent encore dans l’avancement de ce processus d’ouverture, depuis l’enclenchement de l’embargo en 2017.
Restée près de deux semaines au Qatar, entre le 1er et le 12 novembre dernier, et après de multiples rencontres officielles avec des organisations locales, des journalistes, des universitaires, des membres de la société civile, la rapporteure spéciale de l’ONU est revenue avant tout sur le manque évident de raisons légales à l’action concertée du « Quartet » contre Doha. Sans remettre en cause la souveraineté des États de la région, elle déplore tout de même dans son rapport l’arsenal de mesures coercitives prises en dehors de tout base légale d’ordre international, et souligne que ce type de différend devrait être réglé devant une institution compétente et habilitée à trancher ce genre de litiges. Or, il n’en a rien été.
Que ce soit les demandes répétées de la part de Riyad de fermer Al Jazeera – qui portent atteinte à la liberté d’expression – ou les sanctions commerciales qui nuisent à la liberté de circulation, ce sont autant de freins au projet de développement du pays que l’on connait bien désormais, intitulé Qatar National Vision 2030. De plus, la rapporteure spéciale rappelle dans son rapport que le pays est impliqué dans de nombreux processus légaux liés aux Nations unies visant à lutter contre le terrorisme et la violence dans la région, grâce à la base d’Al Oudeid, qui constitue un atout indéniable dans le puzzle de la sécurité régionale. Difficile pour Mme Douhan de cautionner les accusations unilatérales de l’Arabie saoudite et des Émirats, qui estiment que le Qatar constitue un « foyer » du financement du terrorisme…
Les conséquences humaines du blocus ont été nombreuses pour le pays : couples séparés, pertes d’emplois multiples, scolarités perturbées, difficultés d’accès aux lieux saints de l’islam, difficultés d’accès à certaines médecines et établissements pour les malades, expulsion des Qataris des pays voisins, etc. Mme Alena appelle dès lors les pays du blocus à s’inscrire au plus vite dans une nouvelle dynamique et supprimer l’ensemble des sanctions prises contre Doha. Et au plus vite de garantir à nouveau la liberté d’entreprise, de culte, de circulation et d’expression. Il est impératif de rappeler, dans ce monde multilatéral qui glisse dangereusement depuis des années vers un bilatéralisme décomplexé, que la norme dans les relations qui régissent les pays devrait être le droit international avant tout issu de 1945. Et que rien ne peut à ce jour s’y substituer, que certains pays le veuillent ou non, dans le Golfe comme ailleurs.
Plus vite la réconciliation aura lieu dans cette région, plus le Golfe pourra à nouveau jouir d’une dynamique et d’une coopération entre tous ces acteurs, qui ne lui apporteront que davantage de stabilité et de sécurité. C’était le but du Conseil de Coopération des pays du Golfe (CCG) depuis sa création, malheureusement totalement marginalisé depuis 2017, et qui ne règle plus en amont aucun différend entre ses membres. Peut-être l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche servira-t-elle à infléchir la situation ?
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