« L’Union européenne dans son ensemble est complice des violations des droits humains commises contre les migrants en Libye. »
Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), des migrants détenus dans l’une des prisons libyennes sont vendus dans de véritables « marchés aux esclaves », la plupart d’entre eux, précise le rapport, étant des Africains qui traversent la Libye pour venir s’installer en Europe. Le rapport ajoute que les immigrés sont vendus à des prix qui varient entre 200 et 500 dollars, avant d’être exploités dans l’accomplissement des tâches que leur dictent leurs « maîtres ». Toutefois, les plus chanceux d’entre eux parviennent à prendre la fuite…
« Complices de ces crimes »
Ces marchés aux esclaves sont gérés par des Libyens, aidés par des Ghanéens et des Nigériens travaillant pour leur compte. Les personnes sont exploitées dans des travaux de bâtiment et d’agriculture et payés en contrepartie. D’autres, au contraire, travaillent sans aucun dédommagement. Mohammed Abdiker, responsable des opérations et des situations d’urgence de l’OIM, a qualifié la situation de « catastrophique » pour quelques migrants, victimes de malnutrition et de violences sexuelles. Les femmes vendues sont quant à elles maltraitées, violées et contraintes à la prostitution, ajoute la même source.
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De son côté, Amnesty international a accusé certains Etats européens d’être complices de la détention des migrants dans des conditions épouvantables. En cause, notamment : leur attitude passive face à la situation et les arrangements passés avec certaines milices pour stopper l’immigration. « Des gouvernements européens n’ont pas pleinement conscience de ces atteintes ; en soutenant activement les autorités libyennes dans leur travail visant à stopper les traversées de la Méditerranée et à retenir ces gens en Libye, ils sont complices de ces crimes », a indiqué John Dalhuisen, directeur pour l’Europe d’Amnesty International.
« Sceller la route migratoire »
L’ONG a ainsi dénoncé l’aide européenne accordée aux garde-côtes libyens impliqués dans ce trafic d’hommes. « L’Union européenne dans son ensemble, et l’Italie en particulier, est complice des violations des droits humains commises contre les migrants et réfugiés en Libye » indique-t-elle dans son rapport. Une accusation relayée – depuis longtemps – par la presse italienne : « Depuis la fin 2016, l’Union européenne et l’Italie ont cherché à sceller la route migratoire » affirme le quotidien transalpin Il Manifesto. L’existence de véritables ventes aux enchères d’êtres humains, révélée au monde grâce à un reportage de la chaine américaine CNN, était quant à elle connue de longue date.
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D’après l’Association internationale de défense des droits de l’homme, jusqu’à 20 000 personnes sont actuellement regroupées dans des centres de détention en Libye et soumise à « la torture, au travail forcé, à des extorsions et à des meurtres ». Il est à noter que la Libye est le principal point de passage des migrants africains qui tentent de gagner l’Europe en franchissant la Méditerranée. Ces quatre dernières années, plus de 600 000 d’entre eux ont gagné l’Italie depuis le pays d’Afrique du Nord.

Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.