L’ONU espère des élections au printemps 2019 et devrait à ce titre organiser une conférence nationale dans les prochaines semaines.
Une autorité coupée en deux, des violences intermittentes, des rivalités diplomatiques internationales contraignantes, une réserve de pétrole mal exploitée… Les maux libyens sont actuellement légion. Et 2019 devra logiquement combler une véritable page blanche pour Tripoli. Que ce soit sur le plan politique ou économique. Alors que la France et Emmanuel Macron avaient obtenu des protagonistes majeurs de l’échiquier politique libyen, réunis en mai dernier à Paris, l’organisation d’élections législatives et présidentielle pour le mois de décembre dernier, il n’en a malheureusement rien été.
Table des négociations
Concrètement, le chef d’Etat français souhaitait que ses invités se mettent d’accord pour organiser de concert un processus électoral anticipé, dans un territoire profondément divisé par les luttes intestines. Pour cela, 19 pays et 4 institutions internationales (ONU, Ligue arabe, Union africaine, Union européenne) avaient accompagné le locataire de l’Elysée durant cette réunion décisive.
Une échéance particulièrement délicate, donc, tant la transition politique assurée depuis 2016 par le chef du gouvernement d’Union nationale (GNA) reconnu par l’ONU, Fayez el-Sarraj, installé à Tripoli, demeure instable. A sa décharge, le maréchal Khalifa Haftar, ex-soutien de Mouammar Kadhafi, soutenu par l’Egypte, n’aide en rien à la tâche, puisqu’il gère parallèlement le pouvoir à l’Est. Ce dernier n’étant d’ailleurs pas étranger aux recrudescences des violences entre milices rivales aux portes de la capitale.
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Finalement, Rome a profité de la brèche pour s’inviter doucement mais surement à la table des négociations. Pourquoi ? Car la Libye reste un pion central dans la région méditerranéenne. Notamment en ce qui concerne la problématique migratoire, véritable poids pour l’exécutif italien. Ainsi, si le ministre de l’Intérieur italien s’est contenté dans un premier temps de tirer à boulets rouges sur la France – considérant que Paris n’agissait que pour ses propres intérêts dans ce dossier – Matteo Salvini a fini par obtenir en novembre dernier l’organisation d’une conférence sur la Libye à Palerme (Sicile). Une session qui s’est également avérée peu fructueuse et particulièrement décousue.
Listes électorales
Face à ce marasme, la Maison-Blanche a donc décidé d’apporter quelques ajustements bienvenus via un travail de sape destiné à canaliser les violences des belligérants… qui restent rédhibitoires pour lancer tout processus électif. A ce titre, Salah Badi, l’un des dirigeants du front Al-Soumoud et de Fajr Libya – qui ont tous deux défié la fragile coalition du GNA –, occupe désormais une place de choix sur la liste noire de l’Oncle Sam. L’intéressé a vu en effet ses avoirs gelés et ne peut également plus voyager en dehors du territoire. Selon les Nations unies, il aurait joué un rôle de premier plan dans des affrontements à Tripoli, fin 2018, au cours desquels de nombreux civils ont trouvé la mort.
La reconstruction du paysage politique libyen restera donc difficile à réaliser à court terme. Sachant que Saïf al-Islam Kadhafi brigue toujours la présidence libyenne. Le fils de l’ex-guide libyen s’est en effet engagé en décembre à soutenir « la tenue d’une conférence nationale de tous les Libyens sans exclusion. Loin de toutes interférences extérieures ». En conséquence, Saïf al-Islam Kadhafi s’inscrira sur les listes électorales « dès l’ouverture de celles-ci ». De quoi pimenter un peu plus les débats…
« Interférence extérieure »
Ce qui n’empêche pas Ghassan Salamé, l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, d’espérer faire sortir le pays d’une crise qui dure depuis 2011. Ceci par une discussion ouverte et, bien évidemment, par les urnes. « Le moment est venu de donner à un groupe de Libyens, plus large et plus représentatif, l’opportunité de se rencontrer sur le sol libyen, sans interférence extérieure, dans le but de déterminer une voie dégagée pour sortir de l’impasse actuelle, et renforcée par un calendrier clair. Beaucoup veulent avancer grâce à cette Conférence nationale, et je suis d’accord. C’est le chemin qu’il faut suivre », estimait-il en novembre dernier.
Ghassan Salamé, il y a quelques jours, a confirmé que ce grand rassemblement aurait bien lieu en début d’année. Et devrait précéder des élections organisées au printemps suivant. L’ensemble des acteurs, libyens et internationaux, devront également prendre en compte la problématique du pétrole, aussi délicate que celle de la relance démocratique, pour faire progresser le dossier libyen. L’allocation des ressources, en plus de la réconciliation nationale, devrait ainsi faire partie des sujets débattus lors de la conférence nationale.
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