Bénin : l’ancien président Boni Yayi privé de ses droits fondamentaux

Rien ne semble pouvoir freiner la dérive autoritaire du chef de l’Etat, Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016.

« De graves atteintes portées aux droits de l’opposition et de la démocratie » : la dérive autoritaire du Bénin, présidé depuis avril 2016 par Patrice Talon, inquiète jusqu’à l’ancien hôte de l’Elysée François Hollande. Qui, dans un rare communiqué publié le 17 mai, s’est officiellement ému de la situation politique au sein de cet Etat francophone d’Afrique de l’Ouest. Longtemps présenté comme un modèle démocratique sur le continent, le Bénin s’enfonce en effet dans la crise, l’opposition ayant été exclue de fait des dernières élections législatives, qui se sont tenues le 28 avril dans un contexte d’abstention record et de vives tensions.

Si les formations inféodées au pouvoir en place – Union progressiste et Bloc républicain – ont donc été les seules à envoyer des députés à l’Assemblée nationale, de nombreux Béninois ne l’entendaient pas de cette oreille et ont manifesté leur colère dans la rue. Des manifestations immédiatement réprimées par les forces de l’ordre, et qui se sont soldées par des dizaines d’arrestations et la mort d’au moins quatre personnes. Dans la foulée de ces dramatiques évènements, l’ONG Amnesty International a dénoncé une répression post-électorale aux « proportions inquiétantes » et plusieurs organisations de la société civile burkinabé, nigérienne et sénégalaise, ont interpelé la Cédéao afin qu’elle rétablisse le dialogue dans le pays. En vain, pour le moment.

La situation « ubuesque » de l’ancien président Boni Yayi

Un blocage dont témoigne la situation « ubuesque », selon ses avocats, de l’ancien président du Bénin, Thomas Boni Yayi, qui depuis le 1er mai n’a plus été aperçu par ses compatriotes. Le prédécesseur de Patrice Talon, qui a dénoncé un « coup d’Etat électoral », avait notamment appelé la population à se soulever à l’issue d’un scrutin dont il demandait par ailleurs l’interruption. Depuis cette date, celui qui a dirigé le Bénin de 2006 à 2016 est assigné à résidence, officiellement pour le « protéger » ; la police a même déposé un conteneur devant son garage, empêchant toute sortie de véhicule ; elle contrôle, fouille et interroge les individus passant dans son quartier et aurait refusé l’accès du domicile de Thomas Boni Yayi à un membre de sa famille.

Plus grave encore, l’ancien président du Bénin a été convoqué, début juin, en qualité de témoin par un juge d’instruction – une lettre qui ne précisait pas, selon ses avocats, les raisons de cette inquiétante convocation. Le magistrat s’est finalement rendu, le 7 juin, au domicile encerclé de Boni Yayi, où il a trouvé porte close. Pour Me Renaud Agbodjo, l’un des conseils de l’ex-chef d’Etat, Thomas Boni Yayi, âgé de 66 ans, dispose « d’un repos médical de longue durée depuis plusieurs semaines en raison des circonstances, et il n’est pas évident qu’il puisse être disponible pour être entendu », précisant toutefois qu’il s’agit là d’un « report et non d’un refus ». Selon un autre de ses avocats, Me Kato Atita, la santé de Boni Yayi « s’est sérieusement dégradée. Sa tension artérielle est de 17 sur 10. Ses médicaments sont épuisés. Monsieur Yayi Boni ne dort plus en raison d’une crise sciatique et on dit, il faut aller l’entendre. Même si on doit le crucifier, il faut qu’il soit vivant ».

Une « violation quotidienne des droits fondamentaux » 

Les avocats de l’ancien président relèvent également que celui-ci bénéficie de l’immunité et d’une protection internationale en raison de son statut, et qu’en vertu du protocole de la Cédéao, les ressortissants des pays membres de l’institution jouissent d’une « liberté de circulation ». « Dans quel pays démocratique aujourd’hui, au XXIe siècle, un juge d’instruction peut-il décider d’écouter une personne qui se trouve dans une violation quotidienne de ses droits fondamentaux ? », s’insurgent-ils encore. Du côté de la présidence actuelle du Bénin, on se dit officiellement « surpris » par le sort réservé à Thomas Boni Yayi, le ministère de l’Intérieur allant jusqu’à assurer que ce dernier n’est « pas en résidence surveillée ». Contre toute évidence.

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