De quoi l’Arabie saoudite est-elle capable pour se racheter une image ?

Après le football, la formule 1 : Riyad tente de redorer son image à l’international par tous les moyens.

Cela avait été annoncé en mars dernier : la compétition internationale de formule 1 s’installera pour la première fois de son histoire en Arabie saoudite, à Jeddah, en décembre prochain, ajoutant ainsi un nouveau trophée d’estime et un nouveau succès de pur marketing à Mohammed ben Salman.

Le prince héritier saoudien, après plusieurs années de marasme politique à l’international (de l’affaire Khashoggi au Yémen), cherche à vendre désormais l’image d’un pays cool, attractif pour les Occidentaux avides de compétitions sportives et d’événements culturels. Après le projet de ville futuriste NEOM, le Paris-Dakar depuis deux ans, le rachat d’un club de football, MBS cherche à appâter le monde en faisant ce qu’il sait faire de mieux : de la dissimulation par l’art. C’est-à-dire proposer une vitrine attractive pour mieux faire passer un agenda politique bien moins reluisant. La formule 1 est donc désormais son nouveau cache-sexe.

Long terme

Cela ne se passe pas toujours aussi bien pour Riyad dont certains potentiels « partenaires d’armes » refusent parfois tout de même de céder aux sirènes de l’argent roi. On ne vend pas son âme totalement au diable pour sauver un club ou une compétition sportive de haut niveau ; après l’épisode raté du rachat du club de football de Newcastle (Angleterre) par les Saoudiens, Riyad s’était jetée corps et âme sur une nouvelle proie européenne mythique l’année dernière : l’Olympique de Marseille. En vain. Mais ce n’est pas grave, car pour MBS, c’est une stratégie de long terme, où il lui faut reconquérir pas à pas ses galons et ses lettres de noblesse afin d’éviter la déchéance.

Il faut dire que tout lui était acquis du temps de Donald Trump, ce qui est beaucoup moins évident depuis l’arrivée de Joe Biden et le choix de ce dernier de ne reconnaître comme seul interlocuteur que le roi Salman. Désormais, donc, pour MBS, c’est une stratégie de long terme qu’il lui faut employer. Celle de la « dissimulation par l’art », qui voit un pays s’engager dans la culture et dans le sport afin de masquer au mieux son agenda politique. Des jeux et du pain à la mode saoudienne, en quelque sorte ! Car en augmentant son « soft power » par le sport, Riyad veut pouvoir peser dans les grands événements mondiaux, dans un contexte régional ultra-compétitif, à l’approche de la Coupe du monde de football au Qatar et l’Exposition universelle Dubaï 2020 aux Émirats arabes unis.

Cerise sur le gâteau pour Riyad : l’organisation de l’épreuve de formule 1 s’inscrit dans un contexte novateur résumé par le hashtag #Weraceasone lancé par le Formula One Management, qui vise à promouvoir la diversité et la lutte contre les inégalités au sein du milieu sportif de la compétition automobile. Parfait tempo pour l’Arabie saoudite qui n’en prendra hélas sûrement pas acte au sein de son propre pays, passé l’épreuve en décembre prochain. L’argent rend la mémoire courte. Les montants financiers pour se racheter une conduite et une place sur l’échiquier culturel mondial sont souvent astronomiques mais ils ne font pas tout. Alors que MBS avait proposé pas moins de 350 millions d’euros à l’Angleterre pour le rachat de Newcastle début 2020, ça n’a pas marché. En revanche cela est passé auprès de la FIA en offrant « seulement » 90 millions de dollars pour organiser l’événement qui aura lieu en décembre prochain. Un des Grands Prix de formule 1 les plus chers de l’histoire !

Coronavirus

Cela ne risque pas toujours d’être aussi fructueux pour MBS. L’échec du rachat de Newcastle est la preuve que certains dirigeants sportifs mettent des freins à la stratégie tentaculaire saoudienne. Car une chose est sûre encore à l’heure actuelle, les investisseurs comme les clients restent frileux à l’idée de traîner des casseroles trop bruyantes : le pénible déploiement de la stratégie d’ouverture Vision 2030 voulue par MBS est la preuve que l’argent ne fait pas tout.

La crise du Covid-19 a servi MBS, qui a cherché à profiter de la crise sanitaire mondiale pour poursuivre ses opérations d’investissements au moment où la bourse était en chute libre. Ainsi, Riyad a poursuivi sa politique d’investissement entreprise depuis plusieurs années dans de nombreux médias, compagnies hôtelières, compagnies aériennes, sociétés de loisirs et clubs sportifs. Depuis le début de la crise du Covid-19, elle a investi pas moins de 7 milliards de dollars dans des entreprises au bord du gouffre aussi prestigieuses que l’exemple symbolique de Live Nation entertainment, producteur et tourneur des plus grands artistes et chanteurs de la scène mondiale.

Il ne faut pas se leurrer : ces opérations jusque-là relativement sporadiques mais symboliques se sont accélérées ces derniers mois grâce à son principal levier : son fonds souverain de près de 2 000 milliards de dollars qui permettait ainsi à Riyad de s’offrir du « soft power » à un moment crucial de la crise du coronavirus.  Mais après la crise, reprendrons-nous suffisamment nos esprits pour empêcher Riyad de parachever son opération marketing, en laquelle nous avons définitivement tous du mal à croire ?

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