Hier, les Houthis ont évoqué avec Martin Griffiths, l’envoyé spécial de l’ONU au Yémen, une reprise des pourparlers de paix.
« Des centaines de milliers de vies sont en jeu à Hodeïda », a averti Lise Grande, la coordinatrice humanitaire des Nations unies (ONU) pour le Yémen, dans un communiqué publié jeudi dernier. La ville portuaire, tenue par les rebelles Houthis – opposés depuis quatre ans aux forces gouvernementales yéménites -, par où transitent 70 % des importations du pays – alimentaires et humanitaires notamment -, essuie des combats depuis la mi-juin. La coalition de pays arabes dirigée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU), qui épaule depuis mars 2015 l’armée yéménite, souhaitait à l’époque chasser les combattants chiites de la zone afin d’en prendre le contrôle. Sauf que, d’après Lise Grande, la situation s’est considérablement détériorée ces derniers jours, les familles devant affronter de multiples bombardements et frappes aériennes, ainsi que la problématique humanitaire.

« Point d’entrée vital »
« Les gens luttent pour survivre. Les familles ont besoin de tout : nourriture, argent, soins de santé, eau, assainissement, fournitures d’urgence, soutien spécialisé et beaucoup ont besoin d’un abri » a effectivement fait savoir la coordinatrice humanitaire de l’ONU. Dont le communiqué précise également que plus de 25 % des enfants souffrent de malnutrition, 900 000 personnes cherchant également à se nourrir et 90 000 femmes enceintes courant « un risque énorme ». Depuis le début des combats, les partenaires humanitaires ont ainsi fourni une aide d’urgence à quelque 366 000 personnes dans le gouvernorat de Hodeïda ; 116 000 personnes ont reçu des subventions en espèces et plus de 150 000 personnes des fournitures d’urgence ainsi que des abris ; les humanitaires ont également vacciné 380 000 personnes contre le choléra, alors que le pays s’apprête à affronter une troisième vague de l’épidémie, « la plus grave jamais enregistrée » d’après l’ONU.
De nombreuses personnalités, au premier rang desquelles des responsables onusiens et d’ONG intervenant dans le pays, estiment que la situation – humanitaire notamment – continuera de se dégrader dans les prochains jours. « L’intensification des frappes à Hodeïda et aux alentours affecte déjà l’acheminement de l’aide : la route principale reliant Hodeïda et la capitale, Sanaa, a été fermée pendant plusieurs jours. Des camions transportant de la nourriture ont été obligés de prendre différents itinéraires à travers le pays » explique par exemple Johan Mooij, le directeur de l’ONG Care au Yémen. « Le port de Hodeïda est un point d’entrée vital pour l’approvisionnement dans un pays où 22 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire pour survivre. Les réserves actuelles de nourriture au Yémen ne permettront pas à la population de tenir plus de deux ou trois mois » prédit-il également.
« La situation est critique alors que les cas de choléra sont en forte augmentation et que des milliers de personnes sont déjà mortes de maladie et de faim à travers le pays. » Johan Mooij, directeur de l’ONG Care au Yémen.
Solution politique
Ciblant directement les belligérants saoudiens et houthistes, qui empêchent – parfois sciemment – l’aide humanitaire de voyager à l’intérieur du pays, Lise Grande a estimé que « le coût humain et l’impact humanitaire de ce conflit sont injustifiables. […] Les parties au conflit sont obligées de faire tout ce qui est possible pour protéger les civils et les infrastructures civiles et veiller à ce que les populations aient accès à l’aide à laquelle elles ont droit et dont elles ont besoin pour survire. » Selon le Conseil norvégien aux réfugiés (NRC), jeudi 13 septembre, sept navires étaient amarrés au port de Hodeïda, transportant près de 80 000 tonnes de vivre et plus de 30 000 tonnes de gasoil. « Trois autres navires font la queue pour livrer de la nourriture et du carburant dans les prochains jours » affirme le communiqué du NRC, laissant entendre que les combats sont directement responsables de la tragédie humanitaire qui se joue au Yémen. Car, rappelle le Conseil, « les livraisons de nourriture et de carburant par les ports de la mer Rouge se sont maintenues depuis juin, mais toute perturbation ou menace à la sécurité des expéditions pourrait […] affecter l’accès à la nourriture pour plus de 20 millions de personnes. »
Début septembre, les pourparlers interyéménites de paix, qui devaient se tenir à Genève (Suisse) sous l’égide de l’ONU, ont échoué, les Houthis n’ayant pas fait le déplacement – notamment parce que les services onusiens n’ont pas pu leur assurer un retour à Sanaa. Mais, hier, alors que les rebelles yéménites discutaient avec l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, à Mascate (capitale du sultanat d’Oman), ils ont évoqué une reprise « le plus tôt possible » des pourparlers, selon leur agence de presse Saba. Offrant par là même un nouvel – mais raisonnable – espoir de voir la « solution politique », tant demandée par M. Griffiths, triompher. Pour rappel, les dernières négociations de paix entre les deux parties, qui avaient duré plusieurs mois au Koweït, en 2016, avaient également échoué. Il n’y a pourtant qu’en faisant s’arrêter les combats, selon l’émissaire de l’ONU, que la situation humanitaire pourra s’améliorer au Yémen.
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