L’un des défis majeurs, selon le secrétaire général de l’ONU, est le retour des personnes déplacées.
Tous les feux, visiblement, sont au vert pour rebâtir le pays. C’est ce qu’a estimé le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, hier, alors que s’achevait la conférence pour la reconstruction de l’Irak, organisée depuis lundi dernier au Koweït. « Les combats en Irak sont terminés, mais la tâche à accomplir est énorme. L’ONU se tient aux côtés des Irakiens alors qu’ils construisent un pays qui s’engage pour l’unité et l’inclusion » a-t-il déclaré.
Améliorer les conditions de vie
« Enorme », l’opération l’est effectivement. Selon le Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU (OCHA), « il faudra des années pour reconstruire l’Irak. Les évaluations des dommages et des pertes menées par le ministère de la Planification et analysée par la Banque mondiale estiment que la reconstruction prendra au moins 10 ans et coûtera bien plus de 88 milliards de dollars. » Des villes, comme Mossoul, offrent après des mois de combats des décors lunaires, alors que les centaines de milliers de personnes déplacées cherchent à réintégrer leur habitation pour la plupart.
Pour l’instant, « des zones reprises sont en train d’être débarrassées des explosifs et des décombres et des efforts importants sont en cours pour rétablir les réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts, rétablir le socle de protection sociale du gouvernement, relancer les économies locales et ouvrir des écoles et des centres de santé » renseigne l’OCHA. Ces deux derniers secteurs ont été particulièrement touchés par les affrontements ; « rien que l’année dernière, plus de 150 écoles ont [par exemple] été endommagées ou détruites », quand « 7,3 millions de personnes ont besoin de soins de santé ».
L’agriculture, également, a souffert ces derniers mois, alors qu’elle représentait environ 5 % du PIB irakien en 2016. La production agricole a chuté de 40 % par rapport aux niveaux d’avant le conflit, et près de 1,9 million d’Irakiens souffrent aujourd’hui d’insécurité alimentaire. Hier, la Banque mondiale et le gouvernement ont d’ailleurs signé deux projets de 510 millions de dollars destinés à améliorer les conditions de vie – alimentaire notamment – de la population ; ces derniers s’ajouteront à un programme de développement déjà financé par l’institution à hauteur de 750 millions de dollars.
« On espérait un montant plus important »
La Banque mondiale de préciser que cette aide « apportera un soutien immédiat à la restauration de l’éducation et des services de santé, à la reconstruction des routes et ponts majeurs, et à la réhabilitation de l’électricité et des systèmes d’eau ». Et alors que se clôturait la conférence internationale, hier, la cagnotte pour la reconstruction de l’Irak atteignait quelque 30 milliards de dollars ; un engagement de la part de la communauté internationale illustré par ailleurs par la présence au Koweït de 76 pays, 51 organismes d’aide et 107 associations et fondations.
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En dépit de cette somme – éloignée de l’objectif initial fixé par la Banque mondiale à 88 milliards de dollars -, le gouvernement irakien a eu du mal à masquer sa frustration. « On espérait un montant plus important […] ce n’est pas une déception mais le résultat est en-deçà des attentes » a ainsi reconnu le ministre irakien des Affaires étrangères, Ibrahim al-Jaafari. Parmi les donateurs, la Turquie a promis d’allouer 5 milliards de dollars à la reconstruction du pays, a annoncé son chef de la diplomatie, Mevlüt Cavusoglu. L’Arabie saoudite a annoncé quant à elle plusieurs investissements à hauteur d’1 milliard de dollars.
Concernant les Etats-Unis, le secrétaire d’Etat Rex Tillerson avait indiqué mardi que la banque Export-Import américaine était prête à signer un protocole d’accord d’un montant de trois milliards de dollars avec Bagdad. Ceci dans le cadre d’une « future coopération » dans des secteurs-clés comme les énergies ou les transports. Le même jour, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait réaffirmé la participation de la France, sous forme de projets financés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de la restauration des filières agricoles notamment.
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« Nouvelles sources d’instabilité »
Outre la récolte d’argent nécessaire, l’Irak et ses partenaires devront faire face, selon l’OCHA, « à de multiples et imprévisibles dynamiques volatiles […] tout au long de l’année 2018 ». Ceci en raisons d’ « attaques asymétriques [qui] ne peuvent pas être exclues, en particulier dans les zones où l’Etat islamique conserve un soutien local. » Mardi, Rex Tillerson avait d’ailleurs appelé les membres de la coalition ayant combattu Daesh en Irak à rester vigilants et poursuivre le travail de sape du groupe djihadiste. Même si, selon lui, « environ 98 % du territoire jadis contrôlé par l’EI en Irak et en Syrie a été libéré. »
D’après l’ONU, la présence, même éparse, de cellules de Daesh pourrait provoquer de nouveaux déplacements de personnes et aurait forcément un impact sur les retours. Fin décembre 2017, pour la première fois depuis qu’ont commencé les flux de déplacements massifs à l’intérieur du pays, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a enregistré plus de rapatriés (3,2 millions) que de personnes déplacées (2,6 millions). Sans compter « de nouvelles sources d’instabilités liées à des retards dans la réconciliation et à des tensions politiques, y compris dans les zones contestées » indique l’OCHA.

Si au moins deux millions d’Irakiens, selon les prévisions du Bureau de coordination de l’aide humanitaire, retrouveront leur foyer cette année, de nombreuses familles vulnérables sont incapables de rentrer sans assistance pour l’instant. « L’une des premières priorités de l’Irak est de les aider à rentrer chez [elles] en toute sécurité, volontairement et dans la dignité » a affirmé Antonio Guterres hier. Un défi à la base « de la reconstruction et du relèvement » du pays selon lui. Dans le même temps, Ibrahim al-Jaafari annonçait que la guerre contre l’EI en Irak avait fait 18 000 morts et 36 000 blessés depuis 2014.
Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.