Face à la crise humanitaire en Syrie, les canaux diplomatiques

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15.03.2020

En moyenne, un enfant syrien a été tué toutes les 10 heures au cours des six dernières années, selon l’UNICEF.

Alors que le conflit en Syrie entre dans sa dixième année cette semaine, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) s’est alarmé, dimanche 15 mars, du sort réservé aux plus jeunes dans le pays. Où quelque 4,8 millions d’enfants sont nés depuis 2011, et continuent à subir les conséquences dévastatrices d’une « guerre brutale », indique l’agence de l’ONU dans un communiqué. « La guerre en Syrie marque une nouvelle étape honteuse aujourd’hui », a à ce titre déclaré la directrice générale de l’UNICEF, Henrietta Fore, présente dans le pays la semaine dernière. « Des millions d’enfants entrent dans leur deuxième décennie de vie, entourés par la guerre, la violence, la mort et les déplacements. Le besoin de paix n’a jamais été aussi pressant », a-t-elle ajouté.

« Combats brutaux »

« Le contexte en Syrie est l’un des plus complexes au monde. La violence et les conflits actifs se poursuivent malheureusement dans plusieurs endroits, y compris dans le nord-ouest, avec de graves conséquences sur les enfants, tandis que dans d’autres régions, les enfants reprennent contact avec une partie de leur enfance perdue, reconstruisant lentement leur vie », a de son côté affirmé Ted Chaiban, directeur régional de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, également présent en Syrie la semaine dernière. « Il est évident, cependant, que neuf années de combats brutaux ont conduit le pays au bord du gouffre. Les familles nous ont dit que dans les cas extrêmes, elles n’avaient pas d’autre choix que d’envoyer leurs enfants travailler ou de marier leurs filles de manière précoce. Aucun parent ne devrait être forcé de prendre de telles décisions », a-t-il dit.

C’est aujourd’hui dans le nord-ouest de la Syrie que sont braqués tous les projecteurs internationaux. Alors que l’armée turque, soutien des rebelles et des djihadistes retranchés dans la région d’Idlib, dernier bastion d’opposition du pays, et l’armée syrienne, soutenue par l’aviation russe, peinent à se mettre d’accord sur un cessez-le-feu durable, « l’escalade du conflit armé, combinée à des conditions hivernales difficiles et à des températures en chute libre, qui s’ajoutent à une crise humanitaire déjà grave, fait payer un lourd tribut à des centaines de milliers d’enfants et de familles », annonce l’UNICEF dans son communiqué. Plus d’un million de personnes, dont plus de 575 000 enfants, ont dû fuir leur foyer depuis le 1er décembre dernier.

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L’agence de l’ONU a également partagé des chiffres glaçants, glanés sur la période allant de 2014 à 2019, au cours de laquelle plus de 9 000 enfants ont été tués ou blessés dans le conflit ; près de 5 000 enfants, dont certains n’avaient pas plus de sept ans, ont été recrutés dans les combats ; près de 1 000 établissements scolaires et médicaux ont été attaqués. « Comme il ne s’agit là que de chiffres vérifiés, l’impact réel de cette guerre sur les enfants sera probablement plus profond », précise l’UNICEF. Qui révèle également, alors que l’ONU réclame le rapatriement des enfants de djihadistes étrangers en Syrie, que dans le nord-est du pays, au moins 28 000 enfants de plus de 60 pays continent de languir dans des camps de déplacés, privés des services les plus élémentaires.

« Moyens diplomatiques »

Au total, après quasiment une décennie de conflit, deux écoles sur cinq ne peuvent pas être utilisées parce qu’elles ont été détruites, endommagées, abritent des familles déplacées ou sont utilisées à des fins militaires – plus de 2,8 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en Syrie et dans les pays voisins selon l’UNICEF. Du côté des établissement de santé, la situation n’est pas meilleure, puisque plus de la moitié d’entre eux ne sont pas fonctionnels aujourd’hui. Plus des deux tiers des enfants souffrant de handicaps physiques ou mentaux ont besoin de services spécialisés qui ne sont pas disponibles dans leur région, révèle également l’agence onusienne.

« Les parties en guerre et ceux qui les soutiennent n’ont pas réussi à mettre fin au carnage enSyrie, a déploré Henrietta Fore. Notre message est clair : arrêtez de frapper les écoles et les hôpitaux. Cessez de tuer et de mutiler les enfants. Accordez-nous l’accès transfrontalier dont nous avons besoin pour atteindre ceux qui sont dans le besoin. Beaucoup trop d’enfants ont souffert pendant beaucoup trop longtemps. » « La seule solution à la crise en Syrie passe par des moyens diplomatiques, a quant à lui déclaré Ted Chaiban. L’aide humanitaire ne mettre pas fin à la guerre, mais elle contribuera à maintenir les enfants en vie. »

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Encore faut-il que les parties au conflit en Syrie daignent écouter les cris d’alarme qui émanent de toutes les organisations humanitaires du pays. Celles-ci, face au regain de tensions entre forces turques et forces syriennes et russes, ne savent plus sur quel pied danser. Devant ce marasme humanitaire, à Idlib notamment – qualifié de « plus grande histoire d’horreur humanitaire du XXIème siècle » par l’ONU -, les combats doivent impérativement cesser. A charge pour les diplomaties qui peuvent encore parler aux Turcs et aux Russes de leur faire entendre raison. L’Union européenne, qui a maille à partir avec la Turquie au sujet des réfugiés qui passent par la Turquie pour rejoindre l’Europe, veut retrouver sa voix dans le dossier syrien ? Elle doit d’abord se montrer ferme sur la situation humanitaire en Syrie.

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