Au Yémen, une « trêve fragile » qui appelle des actes

Trop de fois les termes de « désescalade » et d’ « inclusion politique » ont été brandis au sujet du Yémen. Sans suite.

L’envoyé spécial des Nations unies (ONU) pour le Yémen a déclaré au Conseil de sécurité, jeudi 14 avril, qu’il pensait qu’il y avait « une lumière au bout du tunnel » dans la guerre, qui dure depuis plus de sept ans dans le pays le plus pauvre du monde arabe. Mais Hans Grundberg a également prévenu que le cessez-le-feu de deux mois en cours au Yémen était fragile et que les rapports faisant état d’opérations militaires autour de la province centrale de Marib, riche en pétrole, devaient être traités de toute urgence.

M. Grundberg a également déclaré que, lors de sa première visite cette semaine à Sanaa, la capitale du Yémen, tenue par les rebelles Houthis soutenus par l’Iran, il a reçu « un engagement réaffirmé à l’égard de tous les aspects de la mise en œuvre de la trêve » et a eu des « conversations constructives » sur les prochaines étapes pour la renforcer et l’étendre. La trêve de deux mois est le premier cessez-le-feu à l’échelle nationale, dans la guerre civile au Yémen qui a éclaté en 2014.

Cette année-là, les Houthis se sont emparés de Sanaa et ont contraint le gouvernement internationalement reconnu à l’exil. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite est entrée en guerre en mars 2015 pour tenter de rétablir le gouvernement au pouvoir. Ces dernières années, le conflit est devenu une guerre régionale par procuration qui a tué plus de 150 000 personnes, dont plus de 14 500 civils. Il a également créé l’une des pires crises humanitaires au monde selon l’ONU.

Dans son discours, M. Grundberg a salué le nouveau conseil présidentiel du gouvernement yéménite, créé la semaine dernière lorsque le président en exil, Abed Rabbo Mansour Hadi, s’est retiré, en déclarant qu’il « reflète un éventail plus large d’acteurs politiques. » L’envoyé spécial de l’ONU s’est fait l’écho d’une déclaration du Conseil de sécurité exprimant l’espoir que le conseil présidentiel « constituera une étape importante sur la voie de la stabilité et d’un règlement politique inclusif dirigé et pris en charge par le Yémen sous les auspices de l’ONU ».

« Instaurer la confiance »

Le Conseil de coopération du Golfe (CGC), une organisation chapeautée de facto par l’Arabie saoudite, a récemment rappelé la nécessité de renoncer à une solution militaire. Il a salué le transfert du pouvoir exécutif à un conseil présidentiel réunissant les principales forces politiques du Yémen. De son côté, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, Martin Griffiths, a rappelé que la situation humanitaire demeure critique au Yémen.

Plusieurs millions de personnes ont encore un besoin vital d’aide, que M. Griffiths a chiffrée à 4,3 milliards de dollars. Ce dernier a jugé bienvenu le nouveau dépôt de 2 milliards de dollars à la Banque centrale du Yémen, réparti entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), qui interviennent aux côtés de Riyad au Yémen – notamment dans le Sud du pays. Le rial a ainsi regagné 25 % de sa valeur depuis l’annonce, rendant la nourriture et d’autres biens essentiels plus abordables.

Une autre priorité, a ajouté M. Grundberg, est la réouverture des routes dans le sud de Taiz et dans d’autres régions, afin de permettre aux civils des deux côtés des lignes de front de se rendre au travail et à l’école. La trêve est une occasion rare « de pivoter vers un avenir pacifique » au Yémen, a-t-il déclaré, et les semaines à venir permettront de tester les engagements du gouvernement et des Houthis à approfondir la désescalade et à respecter leur accord.

« C’est le moment d’instaurer la confiance, a déclaré M. Grundberg. Le Yémen aura plus que jamais besoin du soutien de la communauté internationale pour maintenir l’élan, et avancer vers la recherche d’une fin inclusive, pacifique et durable au conflit. » Oui mais voilà : trop de fois, la désescalade et l’inclusion de toutes les parties, au Yémen, ont été promises – sans suite. A ce titre, M.Griffiths a reconnu qu’il avait été trop souvent taxé d’optimisme. « Mais, à présent, c’est vrai », a-t-il promis.

Dont acte ? Les parties au conflit, au premier rang desquelles l’Arabie saoudite et l’Iran – les deux pays s’affrontent par procuration sur le sol yéménite pour tenter de gagner le leadership dans la région du Golfe – doivent cesser de prendre le Yémen pour un simple terrain de jeu. Riyad et Téhéran, selon M. Grundberg, seraient bien inspirées de s’engager, plutôt, auprès des mécanismes de coordination de la trêve mis en place par l’ONU. « La trêve est fragile », a-t-il averti.

 

Crédits photo : La capitale du Yémen, Sanaa (Wikimedia Commons).

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