Près d’un millier de Palestiniens, dont la moitié sont des enfants, risquent d’être expulsés de force de Jérusalem-Est.
Le Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a fait part de sa profonde préoccupation au sujet des expulsions imminentes de familles palestiniennes habitant à Jérusalem-Est – qui fait partie du territoire palestinien occupé. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et son Coordinateur spécial pour le processus de paix au Moyen- Orient, Tor Wennesland, avaient exhorté ces derniers jours Israël à mettre fin à ces expulsions.
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Dans un communiqué publié lundi, le Comité a réitéré ses appels à la « cessation de toutes les politiques et pratiques israéliennes illégales, y compris toutes les activités de colonisation, les démolitions de maisons, les expulsions et tout autre acte de punition collective contre la population civile palestinienne ». « Les expulsions, si elles étaient ordonnées et mises en œuvre, violeraient les obligations d’Israël en vertu du droit international », avait quant à lui déclaré le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), Rupert Colville, lors d’un point de presse vendredi à Genève.
Illégalité
De quelle « population civile palestinienne » parle-t-on ici ? Les familles risquant l’expulsion sont, pour la plupart, des réfugiés palestiniens qui ont tout perdu : leur maison d’origine et leur moyen de subsistance à la suite du conflit israélo-arabe de 1948, informe l’ONU. En 1956, celles-ci ont pris la fuite et emménagé dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, avec le soutien du gouvernement jordanien, qui contrôlait la partie orientale de la ville sainte. « Elles ont résidé dans ces maisons pendant près de 70 ans. Elles risquent désormais d’être déplacées pour la deuxième fois de mémoire d’homme », a prévenu l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) dans un communiqué publié lundi.
Les menaces d’expulsions dans le quartier de Sheikh Jarrah ne sont pas un incident isolé. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, près d’un millier de Palestiniens, dont près de la moitié sont des enfants, risquent d’être expulsés de force de Jérusalem-Est. Dans de nombreux cas, l’expulsion forcée de Palestiniens se produit dans le contexte de la construction et de l’expansion de colonies israéliennes, illégales au regard du droit international humanitaire. Certaines d’entre elles sont fondées sur des revendications antérieures à 1948, tandis que les réfugiés palestiniens sont interdits de manière discriminatoire de récupérer leurs propriétés et maisons perdues à Jérusalem-Ouest en 1948.
Les partisans des expulsions de familles palestiniennes de leurs maisons à Jérusalem-Est fondent leur argumentation sur deux lois israéliennes : celle sur la propriété des absents de 1950 et celle portant sur les questions juridiques et administratives de 1970. La loi de 1950 interdit aux Palestiniens de récupérer leurs propriétés perdues lors de la guerre de 1948, tandis que la loi de 1970 permet aux Juifs israéliens de revendiquer à nouveau les propriétés perdues au cours de la même guerre.
« Discriminatoires »
« La loi sur la propriété des absents et la loi sur les questions juridiques et administratives sont appliquées de manière intrinsèquement discriminatoire, uniquement sur la base de la nationalité ou de l’origine du propriétaire », a déclaré M. Colville. Le porte-parole du HCDH a rappelé que « les expulsions de familles palestiniennes en vertu de ces lois se sont répétées à plusieurs reprises au fil des ans, suscitant de profondes inquiétudes quant à l’impunité et au manque de responsabilité ».
« Ces lois sont intrinsèquement discriminatoires, à la fois dans leur intention et dans leur application », ont, pour leur part, précisé le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, Michael Lynk, et le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable, Balakrishnan Rajagopa, dans un communiqué conjoint publié mardi. Ces deux experts indépendants de l’ONU ont ajouté que ces deux lois israéliennes « violent les principes fondamentaux du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme ».
Compte tenu des « scènes troublantes » à Sheikh Jarrah ces derniers jours, le HCDH a tenu à rappeler que Jérusalem-Est fait toujours partie du territoire palestinien occupé, dans lequel s’applique le droit international humanitaire. Le Conseil de sécurité des Nations unies a de son côté condamné à plusieurs reprises l’annexion de parties du territoire palestinien occupé et les colonies, qu’il considère comme nulles et non avenues au regard du droit international, et a exigé d’Israël qu’il annule ses actes illégaux, ont rappelé le HCDH et les deux experts indépendants.
Crédits photo : La police israélienne dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, où des familles palestiniennes sont menacées d’expulsion de leurs maisons (Yahya Arouri).
Avec ONU Info