A Hodeïda, « la situation devient de plus en plus effrayante »

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16.06.2018

Depuis mercredi, les combats entre la coalition saoudienne et les rebelles houthistes, dans l’ouest du Yémen, ont fait près de 150 morts.

Les affrontements se poursuivent dans la ville de Hodeïda, tandis que les Yéménites célèbrent l’Aïd al-Fitr, l’une des fêtes religieuses les plus importantes de l’islam. De nombreux d’habitants de la ville portuaire (ouest) ont quitté leur maison, hier, pour aller à la mosquée ou rendre visite à leurs amis et à leur famille. Mais la plupart ont en revanche peur de déménager loin de chez eux, indique un communiqué de presse publié aujourd’hui par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). « Beaucoup de résidents de Hodeïda qui ont de la famille ailleurs dans le pays, ou les ressources pour partir, l’ont fait pour la rupture du jeûne de l’Aïd, et il est très peu probable qu’ils reviennent tant que la situation restera fragile » renseigne le texte de l’ONG.

Interruption du travail humanitaire

Mercredi 13 juin dernier, l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition de pays arabes qui lutte depuis plus de trois ans contre les rebelles houthistes, soutenus par l’Iran, afin de venir en aide au président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, a commencé à prendre d’assaut la quatrième plus grande ville du Yémen, afin d’en chasser les combattants chiites. Si les combats, dans cette partie du pays, menaçaient depuis quelques mois – alors que les forces de la coalition se massaient dans la zone -, ils laissent craindre une détérioration de la situation humanitaire au Yémen, la majorité des importations – dont l’aide internationale – transitant par le port d’Hodeïda.

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Les agences humanitaires, d’ailleurs, ont dû interrompre presque toutes leurs opérations dans la ville, alors que les affrontements entre houthistes et coalition se rapprochaient aujourd’hui des zones résidentielles très peuplées, selon le communiqué du NRC. « Les agences humanitaires ne peuvent actuellement pas accéder aux zones au sud de la ville où les gens sont les plus susceptibles d’avoir été blessés, affectés et déplacés, ce qui nous laisse sans vision claire des besoins » indique le Conseil. Qui ajoute, tout de même, que certains acteurs humanitaires sont en train de disposer des fournitures – médicales et nourriture notamment – dans différents coins de la ville. Loin d’être suffisant cependant.

« Nous sommes inquiets pour tout »

D’après le coordinateur du bureau du NRC à Hodeïda, Salim al-Shamiri, « la situation devient de plus en plus effrayante. Les gens ressentent plus de tension chaque jour qui passe, se demandant ce qui se passera demain, ou la semaine prochaine, ou dans quelques minutes. L’Aïd devrait être pour nous un moment de paix et de bonheur à passer avec nos familles, pas une période d’attente pour savoir si votre maison sera touchée lorsque les combats atteindront la ville » regrette-t-il. Selon lui, des dizaines de milliers de personnes sont arrivées sans rien et doivent maintenant se débrouiller seules, jusqu’à ce que l’aide humanitaire puisse leur parvenir. « Ce dont elles ont le plus besoin, c’est une garantie qu’elles seront en sécurité » martèle-t-il.

« Avant la guerre, la ville d’Hodeida était connue pour la gentillesse de ses habitants, se remémore Mohammad, qui travaille pour l’ONG Care. La plupart d’entre eux sont très pauvres et quand la guerre a éclaté, la situation est vite devenue très difficile. Avec l’attaque en cours, c’est de pire en pire. J’ai très peur que l’attaque provoque une coupure d’électricité et d’eau. Cela aurait un impact terrible sur les 600 000 habitants. Si cela arrive, je ne sais pas si nous pourrons survivre. Tant de gens sont déjà malades. Le choléra, la dengue, la malaria se répandent. Dans n’importe quelle famille, au moins une ou deux personnes ont déjà souffert de la dengue au cours de ces derniers mois. »

Samedi matin, tandis que les combats entre rebelles et forces progouvernementales avaient fait plus de 140 morts, selon des sources médicales, l’armée yéménite a affirmé dans un tweet avoir pris l’aéroport de Hodeïda, fermé à l’aviation depuis 2014 et situé au sud de la ville. Une information que l’AFP n’a pas été en mesure de confirmer. D’après l’un de ses correspondants, en revanche, Martin Griffiths, l’envoyé spécial des Nations unies (ONU) au Yémen, devrait proposer aux Houthis de transférer le contrôle de la ville portuaire à un comité supervisé par l’ONU, afin d’éviter d’autres affrontements sanglants. Selon Salim al-Shamiri « les guerres sont imprévisibles et nous sommes inquiets pour tout. Nous exhortons les parties belligérantes à protéger le port et les routes qui y mènent afin que la nourriture et les médicaments puissent encore atteindre ceux qui en ont besoin, et que les habitants de Hodeïda puissent s’échapper s’ils en ont besoin. »

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