G20 en Arabie saoudite : mauvaise nouvelle pour la démocratie

Le prince héritier saoudien est dans le viseur de nombreuses organisations de défense des droits humains.

Les 20 et 21 novembre prochains, l’Arabie saoudite deviendra le premier pays arabe à organiser – de manière virtuelle, coronavirus oblige – un sommet du G20. Manque de chance pour les autorités saoudiennes, ce qui devait être célébré comme un événement marquant, soulignant le poids (économique, géopolitique…) de Riyad à l’intérieur du « concert des nations », s’est rapidement transformé en pugilat anti-Mohammed ben Salman, le prince héritier saoudien. La raison ? Tandis que le G20 met en avant la concertation et l’entente internationales, ce dernier, depuis qu’il tient officieusement les rênes du pays, ne cesse de semer la discorde, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières.

Depuis quelques semaines, des personnalités politiques et publiques multiplient ainsi les invitations à boycotter le sommet international, et mettent en avant le non-respect par Riyad des droits humains les plus fondamentaux. « En tant que chef de file mondial de la démocratie et promoteur des droits humains, notre gouvernement devrait exiger des changements spectaculaires au bilan lamentable de l’Arabie saoudite en matière de violations [de ces droits] », ont par exemple écrit 45 députés américains dans une lettre adressée fin octobre au secrétaire d’État Mike Pompeo. Ceci après que 65 députés européens ont appelé l’Union européenne à reconsidérer sa participation au G20 pour les mêmes raisons.

C’est surtout en matière de droits des femmes que le royaume saoudien est « cordialement » invité à améliorer son bilan. « Aujourd’hui, uniquement parce qu’elles ont milité en faveur du droit de conduire, de l’abandon du système de tutelle masculine et de la garantie des droits civils et politiques pour toutes et tous en Arabie saoudite, [plusieurs Saoudiennes] se retrouvent derrière les barreaux, exposées à la torture, aux violences sexuelles et à d’autres formes de mauvais traitements », rappellent effectivement Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France, et Lina Al-Hathloul, sœur de la militante féministe emprisonnée dans le royaume saoudien Loujain Al-Hathloul, dans une tribune publiée par le Journal du dimanche.

Sur la scène extérieure, Mohammed ben Salman, à la personnalité impulsive et va-t’en-guerre bien connue, est également pointé du doigt pour avoir entraîné le Yémen voisin dans la guerre et le délabrement. A la tête d’une coalition de pays arabes, Riyad lutte depuis près de 5 ans contre les rebelles Houthis (chiites, affiliés à l’Iran – la bête noire du régime saoudien), et se voit régulièrement accusée de bombarder indistinctement populations civiles et militaires. Le Yémen est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres du monde, où 7 à 8 millions de personnes risquent la famine, et l’aide humanitaire, malgré les appels aux dons internationaux – dont un a été conduit par… l’Arabie saoudite -, peine à arriver.

Le G20 de Riyad intervient un peu plus de deux ans après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, perpétré au sein du consulat d’Istanbul (Turquie), sur ordre direct, vraisemblablement, de Mohammed ben Salman. Mais afin de préserver l’esprit de concorde qui doit régner lors des grands raouts internationaux, aucun de ces sujets ne sera abordé. Et le prince héritier saoudien de continuer de pouvoir bénéficier du « blanc-seing » des « grandes » nations, qui n’aimeraient surtout pas fâcher leur allié (géopolitique, énergétique…). Un (énième) coup porté à la démocratie et aux droits humains, qui, malgré de nombreuses campagnes de communication ces dernières semaines, peinent à s’installer en royaume saoudien.

Partages