Le projet de nouvelle capitale du président égyptien se heurte encore à de nombreuses problématiques.
Annoncés en 2015 par le président Abdel Fattah Al-Sissi, les chantiers de la future capitale égyptienne fleurissent. Avec une superficie d’environ 170 kilomètres carrés, 6 millions de personnes sont progressivement attendues à partir de 2019 dans cette nouvelle cité, dont l’objectif premier est de désengorger Le Caire. Un problème récurrent auquel ont dû faire face de nombreux gouvernements égyptiens.
Au-delà du magnifique patrimoine qu’elle détient, la capitale du pays est aujourd’hui connue pour sa démographie galopante et ses embouteillages sans fin. 18 millions d’habitants vivent dans le Grand Caire et sa population frôlerait les 40 millions d’individus d’ici 2050 selon les statistiques officielles. La future agglomération égyptienne sera-t-elle à la hauteur des rêves des Cairotes ?
Ville nouvelle
Depuis la fin de la colonisation britannique, de nombreuses villes nouvelles sont sorties du sable égyptien. Plus d’une trentaine d’agglomérations ont été créées depuis les années 1960 en Égypte avec une architecture similaire. Quartier résidentiel, murs blancs et gris, toits pentus en briques ; tel est le modèle de la ville nouvelle égyptienne. Ainsi que celui de la future capitale égyptienne, qui s’inspire, par certains aspects, du style « American way of life », mais également des richissimes monarchies du Golfe.
Excentrées, onéreuses et éloignées du centre-ville, comme aux Etats-Unis, ces villes ne conviennent pas totalement aux Egyptiens. La Ville du 6 octobre et Le nouveau Caire témoignent de ces difficultés. Cette dernière avait été créée dans les années 2000 afin, déjà, de désengorger la capitale égyptienne. 1,5 million d’habitants habitent aujourd’hui la ville nouvelle, alors que 4 millions de personnes étaient attendues.
Le chiffre peut paraitre impressionnant pour la France, mais il est loin d’être satisfaisant pour l’Egypte. Elément encourageant, de nombreuses banques et entreprises se sont installées au Nouveau Caire.
La Ville du 6 octobre devrait quant à elle abriter 6 millions d’individus en 2027.
« Chantier bidon »
Afin de mener à bien le projet de nouvelle capitale, le gouvernement a choisi de s’appuyer principalement sur des sociétés égyptiennes. Orascom, la puissante entreprise du bâtiment et des travaux publics, est de la partie. Le milliardaire Hisham Talaat Moustafa s’est également offert plus de 2 km² de terrain dans la future capitale.
Côté investisseurs étrangers, peu sont présents pour le moment. Quelques entreprises du Golfe sont prêtes à investir, ainsi qu’un partenaire chinois. La China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) a effectivement signé un contrat de 3 milliards de dollars en octobre 2017 afin de construire le centre d’affaires. Et le ministre-conseiller chargé des affaires commerciales à l’ambassade de Chine au Caire, Han Bing, s’est dit « très optimiste quant à la participation d’entreprises chinoises dans la nouvelle capitale ».
Plus optimiste que les ouvriers, en tout cas. Qui se plaignent régulièrement des conditions dans lesquelles ils travaillent. « Je travaille plus de douze heures par jour sur ce chantier bidon où personne ne vient nous voir » confiait l’un d’eux. Avant de se faire rappeler à l’ordre par son contremaitre pour avoir répondu à un journaliste.
Sécurité et tranquillité
C’est que le projet de nouvelle capitale est éminemment politique. Tous les gouvernements ont eu « leur » ville nouvelle, avec des issues variables. Selon l’architecte et urbaniste Ahmed Zaazaa, qui prône une politique urbaine alternative, ces mégacités sorties du sable ne sont « pas une réussite que l’on pourrait prendre en modèle. » « Depuis Nasser, sous chaque pouvoir, il y a eu l’idée d’une nouvelle ville censée représenter l’espoir, l’avenir, la modernité » explique-t-il.
Contrairement au passé, la situation démographique du Caire est aujourd’hui critique. C’est pourquoi le président Al-Sissi accorde de l’importance au projet. La « nouvelle nouvelle ville » pourrait ainsi accueillir, outre les institutions égyptiennes et ambassades, la classe moyenne supérieure, qui recherche avant tout la sécurité et la tranquillité.
