Depuis quelques années, les médias internationaux se sont emparés du sujet des « brûleurs de frontières » algériens.
Voilà deux mois qu’une quarantaine d’Algériens sont « séquestrés » en Libye, alors qu’ils tentaient de rejoindre illégalement l’Europe via le pays d’Afrique du Nord. L’information est rapportée par le quotidien algérien El Watan, qui a publié lundi le témoignage de certaines familles de migrants. « Mon neveu a quitté Blida en compagnie de ses amis de la même ville la deuxième semaine du mois de Ramadan. Il nous a assuré que sa destination était Oran pour un travail » explique par exemple l’oncle d’Oualid Tabti, un jeune de 26 ans qui a fui son foyer pour les côtes européennes. « Ce n’est que quelque temps après qu’on a su qu’il a été en Tunisie, puis en Libye pour un projet d’émigration illégale vers l’Europe ».
Meilleures conditions de vie
Comme le jeune homme, des milliers d’Algériens tentent chaque année de traverser la Méditerranée. En Algérie, on les appelle les « harragas » (« brûleurs » en arabe). Sous-entendu les « brûleurs de frontières ». En 2015, le pays était classé au 9ème rang des Etats d’origine des migrants clandestins arrivés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE), selon un rapport de l’ONG Algeria Watch. Un phénomène d’ampleur, remis au goût du jour il y a quelques années, alors qu’Alger venait de décréter une chasse aux migrants subsahariens transitant par le territoire algérien. Résultat : les médias internationaux se sont emparés du sujet des harragas, faisant ainsi indirectement la lumière sur la situation socioéconomique du pays.
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D’après El Watan, le phénomène « suscite [d’ailleurs] de nombreuses interrogations chez les services compétents », tandis que pour la Ligue algérienne de défense des droits humains (LADDH), cette tendance à la fuite clandestine n’est pas près de s’inverser en Algérie. En 2016, selon cette dernière, plus de 1 200 harragas ont été empêchés de quitter le pays par les gardes-côtes. Un chiffre qui n’a pas diminué l’année d’après, alors que 85 migrants étaient arrêtés dès le 3 janvier, dans la nuit, à Oran. Depuis 2005, ce sont près de 10 000 harragas qui ont été secourus par la marine algérienne, d’après TSA, un autre média francophone algérien. Ce qu’ils espèrent tous ? De meilleures conditions de vie, alors que l’économie algérienne patine.
Sommet européen
« Ce drame est en cours depuis plusieurs années et ses causes, que sont l’absence de perspectives, la crise économique, la lassitude du quotidien et l’aspiration à une vie meilleure, n’ont pas été traitées par les autorités compétentes » expliquait Abdelmoumen Khelil, secrétaire général de la LADDH, l’an dernier à France 24. Même lorsque les familles de migrants parviennent à joindre un(e) responsable, tout ne se passe pas nécessairement comme elles le voudraient. « A chaque fois, c’est la même réponse : ‘‘On va vous rappeler pour vous rassurer et vous fournir les détails nécessaires’’ » regrette l’oncle de Oualid Tabti, dont les proches avaient pourtant réussi à entrer en contact avec la représentation diplomatique algérienne à Tunis.
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C’est qu’en Libye, il n’y a pas d’ambassade algérienne. De quoi rendre la tâche encore un peu plus ardue. « A ce jour, on n’a rien reçu de [la part de la représentation diplomatique]. Même chose aux commissariat de police » indique l’interlocuteur d’El Watan, qui se demande quand les autorités libyennes renverront les clandestins. Le phénomène migratoire est effectivement l’une des épines dans le pied du gouvernement d’Union nationale libyen, qui peine à remettre la main sur le pays, morcelé entre Est et Ouest. Le sommet européen des 28 et 29 juin derniers, qui devait accoucher d’une solution à la problématique, n’a finalement pas débouché sur grand chose. Au grand dam des familles des migrants clandestins en Algérie notamment.

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