Ce magnat de l’immobilier égyptien avait été reconnu coupable du meurtre de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim en 2009.
En juin dernier, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, graciait plus de 500 prisonniers avant la fête de l’Aïd el-Fitr, qui célèbre la fin du Ramadan. Parmi ceux-ci, outre d’illustres inconnus, un grand nombre de jeunes opposants au régime, mais également 25 femmes. Et l’un des hommes d’affaires les plus en vue du pays : Hicham Talaat Moustafa, magnat de l’immobilier et proche de l’ancien chef de l’Etat, Hosni Moubarak.
Gros sous
Condamné à mort en 2009 pour avoir commandité le meurtre de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim, le patron du plus gros conglomérat égyptien avait vu sa peine commuée à de la prison ferme l’année d’après pour vice de procédure. D’après une source proche du dossier, Hicham Talaat Moustafa, qui purgeait donc une peine de 15 ans de prison, a été libéré en juin dernier pour raisons médicales. Qui ne l’ont pas empêché, visiblement, de renouer avec les affaires.
Le média Al Bawaba – dont les contenus, entre information et publicité, appellent à la prudence – révélait le 6 août dernier que le magnat égyptien avait rencontré Al-Walid ben Talal, le richissime homme d’affaires saoudien qui sera arrêté quelques mois plus tard dans la purge historique conduite en Arabie saoudite. Pourquoi ces deux-là se sont-ils vus ? Il est fort probable qu’il ait été question de contrat et de gros sous.
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Reflux touristique
Le prince saoudien – aujourd’hui déchu – a de nombreux intérêts en Egypte, et le ministère de l’Investissement égyptien a annoncé, en août dernier, qu’il investirait quelque 800 millions de dollars dans le pays, surtout dans l’hôtellerie de luxe. Ses partenaires de jeu n’étant autres qu’Hicham Talaat Moustafa et la structure dont il est à la tête : le Talaat Moustafa Group. Rien de tel pour se refaire une santé – financière et physique – après un temps à l’ombre.
Une somme colossale dont profitera également l’Egypte, qui a vu son secteur du tourisme dégringoler en 2011, et remonter faiblement la pente depuis. Selon les chiffres du ministère égyptien de tutelle, les touristes ont pourtant afflué cette année (+ 51 %) et devraient être près de 8 millions, un chiffre bien inférieur aux 14 millions enregistrés en 2010. Reste que le gouvernement cherche à soutenir ce reflux touristique et adopte des mesures en ce sens. Comme le projet pharaonique de nouvelle capitale égyptienne, à quelques kilomètres du Caire.
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« Villes nouvelles »
Porté par Al-Sissi lui-même, celui-ci a vu le jour, officiellement, pour désengorger l’actuelle capitale, qui devrait atteindre 40 millions d’individus d’ici 2050. Il est fort probable qu’il serve également le tourisme égyptien dans la région. « Depuis Nasser, sous chaque pouvoir, il y a eu l’idée d’une nouvelle ville censée représenter l’espoir, l’avenir, la modernité » explique l’architecte et urbaniste Ahmed Zaazaa. Pour qui ces mégacités sorties directement du sable ne sont toutefois « pas une réussite que l’on pourrait prendre en modèle. »
Excentrées, peu desservies et onéreuses, ces « villes nouvelles » ne plaisent d’ailleurs pas aux Egyptiens, qui refusent pour l’instant d’y habiter en masse. Résultat : les urbanistes et investisseurs se font frileux. C’est la raison pour laquelle Al-Sissi a fait appel à quelques consortiums chinois, des entreprises du Golfe, et… Hicham Talaat Moustafa, pour faire avancer les choses. Celui-ci devrait ainsi acquérir plus de 2 kilomètres carrés de terrain dans la future capitale, vraisemblablement pour y construire des hôtels de luxe.
Lovers
Selon Christophe Ayad, journaliste à Libération en 2008, « Hicham Talaat Moustafa, c’est un empire. Sa colossale fortune repose sur l’immobilier : il a bâti des villes entières, sa capitalisation boursière représente une part conséquente de la place émergente du Caire. » Et il fricotait avec le pouvoir, avant de se retrouver en prison. « Cet oligarque [était] un proche de Gamal Moubarak, le fils du président [d’alors] et son dauphin putatif. » Une relation qui explique sans doute qu’il ait échappé à la peine de mort, en 2010.
Deux années plus tôt, le corps de Suzanne Tamim avait été rapatrié de Dubaï, où elle est morte, au Liban, aux frais de la famille Hariri. Qui avait décidé de l’enterrer en grande pompe, dans une banlieue de Beyrouth. La dernière chanson de la pop star libanaise, Lovers, était une ode à la gloire de Rafic Hariri, le Premier ministre assassiné en 2005.

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