En Libye, l’ONU appelle à un cessez-le-feu de toute urgence

Des tensions au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, entre Washington et Moscou, empêchent l’instauration d’un cessez-le-feu.

Dans la nuit de mardi à mercredi, des tirs de roquettes ont eu lieu dans le quartier résidentiel d’Abou Salim, à Tripoli, faisant au moins 14 morts et 40 blessés, dont des enfants. Un acte condamné avec « la plus grande fermeté » par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (ONU) pour la Libye, Ghassan Salamé. « L’utilisation systématique d’armes explosives dans les zones civiles constitue un crime de guerre, a-t-il affirmé, tout en soulignant que la responsabilité de tels actes n’incombe pas seulement aux individus qui ont commis les attaques, mais aussi, potentiellement, à ceux qui les ont ordonnées ».

Lire aussi : La Libye menace de sombrer dans une nouvelle guerre civile

Depuis le début de l’offensive de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, le 4 avril dernier, au sud de la capitale, les combats ont fait au moins 189 morts et 816 blessés, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De son côté, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a dénombré, mercredi, quelque 25 000 personnes déplacées en Libye, dont plus de 4 500 ces dernières 24 heures. « L’impact catastrophique sur la population civile devrait continuer d’augmenter tant que les hostilités se poursuivront », pointe par ailleurs la Mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL).

« Milices terroristes »

Dans son dernier rapport sur la situation en Libye, le Bureau onusien des affaires humanitaires (OCHA) alerte sur le fait que « beaucoup de civils pris au piège dans les zones de conflit font face à un dilemme : rester chez eux ou partir en raison de l’incertitude des affrontements. Un dilemme aggravé par le fait que l’approvisionnement en nourriture et autres produits de première nécessité est en train de s’effondrer dans certains quartiers. » Une situation qui s’inscrit dans un « contexte de vulnérabilité due à plusieurs années de conflit », qui a déjà laissé « au moins 820 000 personnes, dont quelque 250 000 enfants, dans le besoin urgent d’aide humanitaire ».

Personnes déplacées autour de Tripoli par les combats. OCHA

Alors qu’un cessez-le-feu doit absolument intervenir pour que la situation (humanitaire notamment) s’améliore, le maréchal Haftar ne l’entend pas de cette oreille. Dans un communiqué, un commandant de l’ANL a démenti être à l’origine des récents tirs contre Tripoli, dont il accuse des « milices terroristes qui contrôlent la capitale ». Quant à « l’homme fort de l’est libyen », qualifié de « criminel de guerre » par Fayez el-Sarraj, le chef du gouvernement d’union nationale (GNA) internationalement reconnu, il ne souhaite tout simplement pas cesser son offensive sur la capitale, la qualifiant (et la légitimant) de guerre contre le « terrorisme ».

Aide humanitaire d’urgence

Sauf que sans cessez-le-feu, pas de processus politique, pour le GNA, qui devait présenter mercredi à la Cour pénale internationale tous les documents chargeant le maréchal Haftar pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Car il est « de la responsabilité juridique et humanitaire du Conseil de sécurité et de la communauté internationale de tenir ce criminel responsable de ses actes », a estimé Fayez el-Sarraj. Mais même au sein de l’ONU, il est difficile de trouver un consensus autour d’un cessez-le-feu en Libye, alors que doit se tenir en début de soirée une réunion* à huis clos du Conseil de sécurité pour trouver une solution.

Lire aussi : En Libye, l’ONU met en garde contre un éventuel « crime de guerre »

D’après le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU en Libye, 202 millions de dollars sont nécessaires au titre du Plan d’intervention humanitaire 2019. « Jusqu’à maintenant, seulement 6 % des projets sont financés. Si aucun financement supplémentaire n’est reçu, les partenaires humanitaires ne seront pas en mesure de répondre aux besoins humanitaires immédiats des personnes touchées par les affrontements à Tripoli », affirme-t-il dans son dernier rapport. Mercredi soir, le Bureau a tout de même annoncé le déblocage de 2 millions de dollars pour une aide humanitaire d’urgence à destination des civils encerclés par les combats.

* Mise à jour du 19 avril 2019, 11h26 : sur fond de tensions entre les Etats-Unis et la Russie, aucune résolution n’a pu être adoptée, jeudi soir, pour instaurer un cessez-le-feu en Libye. Vendredi, les combats continuaient aux portes de Tripoli, entre les troupes gouvernementales et celles du maréchal Haftar.

Partages