Actuellement, 13 femmes saoudiennes risquent toujours une condamnation à des peines d’emprisonnement pour leur militantisme.
Paradoxale Arabie saoudite qui, d’une main, polit toujours plus son image à l’international – en tentant de racheter par exemple le club de football anglais de Newcastle -, mais de l’autre se saborde, détruit ses propres chantiers « réputationnels », en pratiquant l’embastillement d’opposants politiques, contre vents et marées, comme si l’ère des réseaux sociaux – et de la critique qui fuse à l’échelle planétaire – n’était pas advenue au royaume saoudien.
Le 15 mai 2020, les tenants et, surtout, les tenantes de la cause progressiste, en Arabie saoudite, ont soufflé de bien moroses bougies. Voilà deux ans que plusieurs militantes saoudiennes bien connues des réseaux – entre autres Loujain al-Hathloul, Eman al-Najfan, Hatoon al-Fassi – ont été arrêtées pour avoir réclamé de manière pacifique le droit de conduire pour les Saoudiennes. L’ironie ou l’absurdité de la chose voulant que ce droit leur sera accordé quelques semaines plus tard.
Selon l’ONG ALQST basée à Londres, les dix militantes sont alors accusées d’avoir contacté des « entités hostiles », en marge de leurs revendications, parmi lesquelles des organisations luttant pour les droits humains. Toutes tomberont sous le coup de la loi sur la cybercriminalité. Rappelons ici qu’en novembre dernier, une agence chargée de la sûreté de l’Etat saoudien avait publié une vidéo – rapidement retirée – dans laquelle le féminisme, au même titre que l’homosexualité et l’athéisme, était considéré comme « extrémiste ».
« La vidéo et son retrait sont les derniers signes de complications alors que le prince héritier et leader de facto de l’Arabie saoudite, le prince Mohammed ben Salman, tente de présenter une refonte en profondeur du système social dans un pays dont les autorités sont imprégnées de politiques ultraconservatrices depuis des décennies », avait à l’époque tenté d’expliquer le New York Times. Certes. Mais tout de même, le féminisme, « fléau sociétal » ?
« Il est triste de constater que [5 militantes] courageuses se trouvent toujours derrière les barreaux, deux années plus tard, d’autant plus que pendant cette période les Saoudiennes ont pu jouir de certains des droits nouvellement acquis, pour lesquels elles s’étaient durement battues », a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty International. En prison, indique-t-elle, « beaucoup ont subi des souffrances psychologiques et physiques, dont des actes de torture, des sévices sexuels et des périodes à l’isolement. »
L’Arabie saoudite souhaite « normaliser » ses mœurs et son Etat ? Qu’elle commence par sa justice. « Il est temps pour les dirigeants saoudiens de cesser d’utiliser l’appareil judiciaire comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des militants et militantes », pour reprendre les termes de Lynn Maalouf. Actuellement, 13 femmes – dont 8 ont été remises en liberté provisoire – risquent toujours une condamnation à des peines d’emprisonnement pour leur militantisme. Et cela n’est pas tolérable. Mais peut-être appartient-il aux partenaires de Riyad de le lui faire comprendre ?
