L’œuvre cinématographique palestinienne lutte à la fois contre l’extérieur et contre le passé.
Culture et politique ont toujours entretenu des liens extrêmement forts. La première essayant de pénétrer le champ du second pour l’infléchir ; le second tentant de s’adonner à la première pour se légitimer. Avec plus ou moins de réussite. La question principale étant : comment toucher les consciences ? Le cinéma, peut-être plus que tout autre art – parce que le pouvoir de l’image a (définitivement ?) pris le dessus sur tous les autres -, apparait comme l’instrument privilégié, aujourd’hui, pour raconter, soutenir et, surtout, dénoncer. Mais que peut la richesse infinie de la culture face à l’implacable réalité de la politique ?
Cette interrogation, des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de personnes se la sont posées, lors de la 4ème édition du Festival Ciné Palestine (FCP), qui vient de s’achever à Paris. « Une semaine foisonnante et riche, à l’image de ce cinéma palestinien, qui charrie tout à la fois les problématiques liées à l’occupation tout en essayant, dans un mouvement parallèle, de les dépasser » écrit Hassina Mechaï dans un papier très fouillé pour Le Monde arabe, où la quête philosophique de l’identité à travers l’image animée côtoie nécessairement les difficultés très matérielles que rencontre le cinéma palestinien aujourd’hui.
Enjeu politique
Comment exister en tant que Palestinien.ne, quand un voisin souhaite s’approprier jusqu’à la mémoire de tout un peuple ? Comment exister en tant que réalisateur ou réalisatrice, quand les moyens manquent non seulement pour bâtir des narrations, mais également une industrie cinématographique ? Que raconter ? La vérité ? Oui, mais laquelle ? Pour Brigitte Boulad, directrice exécutive du FilmLab Palestine, « parler de la normalité sert également la cause de la lutte palestinienne. Entre le héros et le martyr, il y a la place pour la normalité, qui est aussi un vecteur de liberté. » Ne pas tomber dans le pathos, en d’autres termes.
Comme la majorité de ses homologues contestataires – dont le chef de file, aujourd’hui, est à n’en pas douter le cinéma iranien -, le cinéma palestinien se sert donc du réel dans son plus simple appareil pour construire (une mémoire commune) et déconstruire (les tabous et autres systèmes d’oppression). « Dans le film projeté au FCP, Madame El, je raconte l’histoire de Palestiniens qui trouvent des antiquités, dont une [qui] suscite le rejet des autorités religieuses qui la trouvent scandaleuse et inconvenante. Je fais le lien entre le passé et le présent » affirme par exemple la réalisatrice Laila Abbas. Afin de dénoncer, toujours.
L’œuvre cinématographique palestinienne, en définitive, a ceci d’exceptionnel qu’elle existe, non seulement, pour raconter le fait national, en critiquant subrepticement la colonisation israélienne, mais également pour le faire évoluer, en faisant s’écrouler ses tabous propres. C’est un cinéma qui lutte à la fois contre l’extérieur et contre le passé. Avec une quête unique : dire la nation palestinienne, encore trop souvent niée aujourd’hui. Et c’est en cela, selon Hassina Mechaï, qu’il est un enjeu politique. Parce qu’il est « porteur d’une ‘‘justification’’» de soi.
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