Saudi Aramco introduite à Londres, un pari gagnant-gagnant ?

La bourse de Londres semble tout faire pour attirer le géant saoudien, dont la capitalisation est estimée à 2 000 milliards de dollars.

Depuis que l’Arabie saoudite a décidé de privatiser Saudi Aramco il y a deux ans, les plus grandes places financières du monde s’affolent. L’idée, plus ou moins assumée, étant d’accueillir le géant pétrolier saoudien, valorisé à plus de 2 000 milliards de dollars. Soit deux fois plus qu’Apple, première capitalisation boursière jusqu’à présent. Même si, pour commencer, le gouvernement saoudien ne souhaite introduire sur le marché que 5 % de l’entreprise (100 milliards de dollars). Ce qui pourrait largement satisfaire les bourses de New York, Hong Kong et, surtout, Londres, qui s’active pour attirer le groupe saoudien, la Première ministre, Theresa May, utilisant les canaux diplomatiques pour ce faire.

Rebond post-Brexit

En mars dernier, par exemple, lors d’une visite de trois jours du prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman (MBS), au Royaume-Uni, les deux s’étaient entretenus au sujet de la capitalisation d’Aramco, ce qu’avait bien noté la presse britannique. « Persuader les Saoudiens de s’inscrire sur la liste à Londres serait un ‘‘coup de boost’’ majeur pour la ville, qui a été frappée par un flot interminable de mauvaises nouvelles alors que les sociétés de services financiers annoncent leurs plans pour déplacer leur personnel en Europe à la suite du Brexit » indiquait par exemple The Independent. Sans compter qu’accueillir le géant pétrolier « conférerait également une bonne dose de prestige au centre financier qui le facilite. »

Récemment, la Financier Conduct Authority (FCA), le régulateur de la place financière londonienne, a décidé d’autoriser la création d’un nouveau « listing premium » conçu pour accueillir les entreprises détenues par des fonds souverains. Comme c’est le cas pour Saudi Aramco – même si l’entreprise n’a pas été expressément mentionnée. « Par exemple, les transactions financières entre ces grands groupes et les actionnaires pourront se faire sans consultation des minoritaires. Par ailleurs, il n’y aura plus de part minimum des sociétés pour être introduites en bourse » renseigne le pure player Novethic. En d’autres termes : ce « listing premium » valorisera les grands groupes aux yeux des investisseurs, en abandonnant certaines obligations trop contraignantes.

« Vision 2030 »

Un « traitement de faveur » qui n’est pas du goût de tout le monde. D’après le quotidien britannique, certaines voix s’élèvent d’ores et déjà pour critiquer ce changement de règles en faveur d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’hésite pas à bombarder un voisin, le Yémen, sans aucune réaction internationale. Les Etats-Unis, également, grands alliés de Riyad dans sa « guerre » contre l’Iran au Moyen-Orient, verraient sans doute d’un mauvais œil que le choix des Saoudiens se porte sur Londres ; en novembre dernier, Donald Trump avait expressément courtisé l’Arabie saoudite pour qu’elle introduise Aramco à New York, un coup « important pour les Etats-Unis » selon lui. Quoi qu’il en soit, la capitalisation du géant saoudien fera des mécontents.

Riyad, de son côté, sortira forcément gagnante de l’opération. Pour rappel, l’introduction en bourse d’Aramco doit servir à abreuver en argent frais la « Vision 2030 » de MBS, ce vaste plan censé déconnecter l’économie de l’Arabie saoudite du tout-pétrole et redorer l’image du royaume, très traditionnelle et rigoriste. Par exemple, les résultats de l’entreprise pétrolière, au premier semestre 2017 (34 milliards de dollars), avaient permis de verser quelque 13 milliards de dividendes à l’Etat saoudien, selon Bloomberg, afin de financer des politiques économiques, sociales et même militaires. Si les autorités saoudiennes espèrent boucler l’opération le plus rapidement possible, celle-ci ne devrait avoir lieu qu’en 2019 cependant.

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