A Hodeïda, la perspective des combats n’est jamais loin, entre la coalition saoudienne et les Houthis.
Le 13 juin dernier, la coalition saoudienne entamait une offensive militaire afin de prendre le contrôle de la ville de Hodeïda (ouest), le port le plus important du Yémen. Un mois plus tard, les combats se sont légèrement estompés. Plus grand point d’entrée pour les approvisionnement commerciaux – nourriture, carburant et médicaments entre autres -, desservant 22 millions de personnes, la région, aux mains des rebelles houthistes, représente un intérêt stratégique certain. C’est effectivement dans cette zone que transite 70 % de toutes les importations du pays, et plus de 80 % des denrées alimentaires. Aujourd’hui, cependant, les affrontements épars rendent les infrastructures portuaires inutilisables, poussant de plus en plus les Yéménites dans le besoin.
« Certains ont même été déplacés trois fois »
Alors que 22 millions de personnes, au Yémen, ont besoin d’une aide humanitaire, et 7 à 8 millions de personnes risquent d’être en situation de famine, le conflit pourrait bientôt s’intensifier, d’après Suze van Meegen, membre du Conseil norvégien pour la protection et la défense des réfugiés (NRC) au Yémen. Ceci alors que les combats avaient plus ou moins cessé, il y a quelque temps, pendant des pourparlers diplomatiques. Mais l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU) semblent bien décidés à reprendre le contrôle de la zone, notamment parce qu’ils espèrent ensuite une reddition des Houthis et contraindre ces derniers à s’asseoir à la table des négociations. Abou Dabi, surtout, semble avoir fait d’Hodeïda l’un des points cruciaux du conflit au Yémen.
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La raison pour laquelle de nombreux observateurs craignent que la situation, humanitaire surtout, ne dégénère. « Les habitants de Hodeïda vivent toujours dans les limbes, décidant de fuir ou de rester. Cela signifie quitter son emploi, son foyer, ses amis et ses biens, ou rester sans aucune garantie de sécurité » explique Suze van Meegen. « Hier, nous avons trouvé des personnes nouvellement déplacées dans le gouvernorat voisin avec rien d’autre que des chiffons de vêtements pour s’abriter, vivant littéralement sous les arbres pour se protéger de la chaleur brûlante, du soleil et des tempêtes de sable » témoigne de son côté Hussein Qais, un travailleur humanitaire cité par un communiqué du NRC publié hier. « Certains ont même été déplacés trois fois. »
Aucun accord pour l’instant
Une véritable épreuve, sous des températures avoisinant les 40 degrés Celsius dans la ville, où l’approvisionnement en eau a été partiellement interrompu. D’après le Conseil norvégien, les habitants de Hodeïda ont ainsi « désespérément besoin de nourriture, d’eau, de médicaments et d’autres produits de première nécessité. » Pour l’instant, renseigne le communiqué, « de nombreuses personnes dépendent de l’eau des puits des mosquées, et le risque de contamination est élevés. Depuis avril 2017, 162 000 cas suspects de choléra ont été recensés. » Sans parler des dizaines de milliers de personnes qui ont perdu leur emploi, et par conséquent leurs revenus, se trouvant dans l’incapacité de couvrir la hausse du prix des marchandises pourtant vitales.
Au début des affrontements, en juin dernier, les Nations unies (ONU) craignaient une violente dégradation de la situation humanitaire dans le pays et anticipaient le chiffre lourd de 250 000 victimes, alors que la guerre au Yémen, qui dure depuis mars 2015, a déjà fait plus de 10 000 morts. Paradoxalement, les responsables onusiens espéraient également que la prise d’assaut menée par la coalition saoudienne faciliteraient le dialogue entre, d’un côté, les Houthis et, de l’autre, le gouvernement yéménite. Martin Griffiths, l’envoyé spécial de l’ONU au Yémen, avait d’ailleurs rencontré fin juin le président Abd Rabbo Mansour Hadi après s’être entretenu avec les rebelles dans la capitale, Sanaa. Mais aucun accord pour l’instant, les seconds refusant de quitter Hodeïda.
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Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.