Algérie : l’ancien président, Abdelaziz Bouteflika, est mort

Arrivé au pouvoir en 1999, il en avait été chassé par les manifestations du « Hirak » en 2019.

L’ancien président algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui s’était battu pour l’indépendance vis-à-vis de la France, avait réconcilié sa nation ravagée par les conflits, avant d’être chassé du pouvoir par des manifestations pro-démocratiques, en 2019, après deux décennies aux manettes, est décédé à l’âge de 84 ans.

« Caméléon politique astucieux »

Abdelaziz Bouteflika avait été victime, en 2013, d’un accident vasculaire cérébral qui l’avait fortement affaibli. Les inquiétudes concernant son état de santé, gardées secrètes, ont contribué à alimenter la frustration de la population face à son règne de 20 ans, terni par la corruption.

« Caméléon politique astucieux », tel que le présente l’agence américaine Associated Press (AP), l’ancien chef de l’État était réputé pour être « un rescapé rusé depuis qu’il s’était battu pour l’indépendance vis-à-vis de la France coloniale dans les années 1950 et 1960 ».

Parmi ses « faits d’armes » notables, on peut mentionner son bras de fer avec Henry Kissinger, l’ « impérialiste » secrétaire d’État américain, alors qu’il était aux Affaires étrangères. Mais également les négociations, menées avec succès, avec le terroriste Carlos, pour libérer les ministres du pétrole pris en otage lors de l’attaque du siège de l’OPEP en 1975.

En 1975, Abdelaziz Bouteflika rencontre, à New York, le secrétaire d'État américain, Henri Kissinger (AP Photo/Dave Pickoff, File).

Abdelaziz Bouteflika, sur la scène intérieure, c’est également la réconciliation des citoyens algériens après la « décennie noire », une guerre civile qui a opposé les islamistes à l’armée algérienne (1991-2002). « Je suis un homme politique non conformiste. Je suis un révolutionnaire », déclarait l’intéressé à l’AP à la veille de sa première victoire présidentielle en 1999. « Je suis l’Algérie tout entière », ajoutera-t-il une fois le scrutin remporté.

Au-delà des frontières

Une arrivée au pouvoir ternie, toutefois, par des accusations de fraude qui ont poussé ses rivaux à se retirer de la course présidentielle. Peu importe. Dès son accès au pouvoir, Bouteflika promet de « tourner définitivement les pages sombres de notre histoire pour œuvrer à une nouvelle ère ».

Né le 2 mars 1937 de parents algériens dans la ville frontalière d’Oujda, au Maroc, le futur chef de l’État entre dans l’Armée de libération nationale en 1956, afin de combattre le colon français, et prend le commandement du front sud, à la frontière avec le Mali. Une fois l’indépendance acquise, il devient ministre des Affaires étrangères, à 25 ans.

Il occupera ce poste pendant 16 ans, et contribuera ainsi à accroître l’influence de l’Algérie au-delà de ses frontières, et à définir les contours d’un pays leader du tiers monde et des mouvements non alignés. Abdelaziz Bouteflika sera actif au sein des Nations unies, dont il présidera d’ailleurs l’Assemblée générale en 1974.

En 1978 s’ouvre une traversée du désert pour l’ancien protégé de Houari Boumediene, qui passe plus de 6 ans en exil pour échapper à des accusations de corruption – abandonnées par la suite. Pendant toute cette période, l’armée algérienne tiendra les rênes du pouvoir ; l’Armée de libération nationale se changera en parti unique et gouvernera jusqu’en 1989.

A cette date, un système multipartite est introduit… mais non utilisé, l’armée ayant annulé les premières élections législatives, en 1992, afin d’empêcher une victoire probable des islamistes. Une insurrection éclatera par la suite, faisant environ 150 000 morts, des milliers de disparus et un million de personnes déplacées.

Abdelaziz Bouteflika prend ses fonctions présidentielles en 1999, devenant le premier dirigeant civil de l’Algérie depuis plus de trois décennies. Il réussira à apporter la stabilité à un pays presque mis à genoux par la violence, en dévoilant en 2005 un programme audacieux visant à réconcilier la nation fracturée en persuadant les radicaux musulmans de déposer les armes.

« Printemps arabes »

Après les attentats du 11 septembre 2001, Bouteflika se range aux côtés des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme, notamment en matière de partage des renseignements et de coopération militaire. Cette attitude marque un tournant par rapport à l’Algérie d’antan, militairement anti-américaine et armée par l’Union soviétique, où des personnalités comme Eldridge Cleaver, leader des Black Panthers, avaient trouvé refuge.

« La puissante machine politique de M. Bouteflika fait ensuite modifier la constitution pour annuler la limite de deux mandats présidentiels. Il est réélu en 2009 et 2013, malgré des accusations de fraude et l’absence d’adversaires puissants », rappelle AP. Mais l’âge et la maladie commencent à rattraper ce « feu follet » au charisme de plus en plus passé.

Des scandales de corruption concernant des projets d’infrastructures et d’hydrocarbures le poursuivent pendant des années et ternissent la réputation de nombre de ses plus proches collaborateurs. Son frère, deux anciens Premiers ministres et d’autres hauts responsables sont d’ailleurs aujourd’hui en prison pour corruption, précise AP.

Et, malgré quelques mesures en direction des citoyens algériens pour chasser, chez eux, toute velléité de suivre le mouvement des « printemps arabes », qui éclate en 2011 chez le voisin tunisien, Abdelaziz Bouteflika peine à restaurer la confiance des Algériens, pas plus qu’il n’arrive à mettre en place une économie capable d’offrir des emplois à la jeunesse, malgré la richesse pétrolière et gazière du pays.

Au cours de ses troisième et quatrième mandats présidentiels, Bouteflika deviendra de plus en plus absent de la scène publique, après avoir subi une attaque cérébrale. Les manifestations du Hirak (« mouvement »), qui éclateront après qu’il a annoncé son intention de briguer un cinquième mandat, en 2019, auront raison de sa carrière présidentielle. Le chef de l’armée de l’époque, qui soutenait (dirigeait ?) le président jusqu’alors, se range derrière les manifestants.

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