En décembre, le nombre d’infection au Covid-19 a quasiment triplé dans la cité-État.
« Avec ses centres commerciaux caverneux, ses constructions frénétiques et ses légions de travailleurs étrangers, Dubaï s’est construite sur la promesse de la mondialisation, en s’appuyant largement sur les secteurs de l’aviation, de l’hôtellerie et du commerce de détail – tous durement touchés par le virus », rappelle l’agence américaine Associated Press (AP). Mais aujourd’hui, ce « grand émirat rêveur » connait un retour de bâton : alors que la saison touristique bat son plein, les infections au coronavirus atteignent des niveaux sans précédent.
En décembre, le nombre de cas quotidiens a quasiment triplé, ce qui a d’ailleurs obligé la Grande-Bretagne à stopper ses liaisons aériennes avec Dubaï la semaine dernière. Pourtant, la cité-État refuse d’abdiquer : les bars restent ouverts et « palpitent comme si l’on était en 2019 », rapporte AP ; les influenceurs continuent d’agiter leurs bouteilles de champagne sur les réseaux sociaux ; les DJ accompagnent tout ce petit monde lors de soirées ou de brunchs arrosés. Selon certains analystes, Dubaï, l’une des destinations phare de la planète, n’a pas le choix : face à une crise économique croissante, la ville ne peut baisser les rideaux.
« Avantage compétitif »
« L’économie de Dubaï est un château de cartes, estime ainsi Matthew Page, chercheur non-résident à la Carnegie Endowment for International Peace. Son avantage compétitif est d’être un endroit où les règles ne s’appliquent pas. » Tandis que la plupart des pays interdisaient l’entrée sur leur territoire de touristes en provenance du Royaume-Uni – par crainte d’une contagion au variant du Covid-19 -, Dubaï, où résident quelque 240 000 expatriés britanniques, gardait ainsi ses portes ouvertes, Emirates, la compagnie nationale, effectuant cinq vols quotidiens vers l’aéroport d’Heathrow (Londres).
Évidemment, dans l’émirat, on s’est réjoui de cet afflux de vacanciers, malgré l’arrivée de la nouvelle souche du virus. Le taux d’occupation des hôtels a par exemple grimpé jusqu’à 71 % en décembre, et certains tabloïds britanniques ont diffusé des « scènes de réjouissances pré-pandémiques », affirme AP – autrement dit : des fêtes. « Les gens en ont déjà assez de cette pandémie, a tenté d’expliquer Iris Sabellano, de l’agence de voyage Al Arabi basée à Dubaï. Avec les vaccins qui arrivent, ils ont le sentiment que ce n’est pas la fin du monde, qu’ils ne vont pas mourir ». Si décès il devait y avoir, Emirates propose de payer les frais d’obsèques jusqu’à 1 800 dollars…
« Plus modeste et responsable »
Mais à mesure que l’épidémie s’aggrave, les rues de la ville désemplissent. Les touristes israéliens, qui se comptaient par dizaines de milliers à la suite de l’accord de normalisation des relations entre les deux pays, ont disparu en raison des nouvelles règles de quarantaine. Et la décision de Londres d’imposer dix jours de confinement à ceux qui reviennent de Dubaï menace à présent de réduire à néant ce qui reste du tourisme dans l’émirat. « Les Britanniques représentent une proportion importante des touristes et des investisseurs à Dubaï. Couper ce pipeline serait un désastre complet pour la ville », avertit à ce propos David Tarsh, porte-parole de ForwardKeys, une société d’analyse de données de voyage.
Avant la pandémie, déjà, l’économie de Dubaï connaissait un ralentissement, dû à un marché immobilier chancelant (-30 % en valeur depuis 2014). Si bien que l’émirat doit faire face à des milliards de dollars de remboursement de dettes, le gouvernement étant déjà intervenu pour renflouer la compagnie aérienne nationale à hauteur de 2 milliards de dollars l’an dernier. Pas sûr, cette fois-ci, que Dubaï puisse compter sur Abou Dhabi, qui l’avait aidé à sortir de la crise financière de 2008. La capitale des Émirats arabes unis faisant face, déjà, à la chute des prix du pétrole. « Je ne pense pas que les jours de Dubaï soient comptés, mais si la ville était plus modeste et responsable, l’endroit serait plus durable », estime Matthew Page.
Crédits photo : A Dubaï, les infections au coronavirus ont quasiment triplé en décembre dernier (AP Photo/Kamran Jebreili).
