L’auteur s’interroge sur l’influence prise auprès des États soumis ou complices par des ONG prétendument « philanthropiques ».
Human Rights Watch, Amnesty International, mais quels sont donc ces puissants organes tentaculaires de police démocrate internationale, prédicateurs autoproclamés des droits de l’homme à travers le monde, qui n’hésitent jamais à se servir du sang du scandale et de combines partisanes souterraines pour faire valoir leur lutte — en réalité bien plus communautariste qu’universaliste — de défense des opprimés en terre de résistance à l’empire atlanto-sioniste, alimentant volontiers, par l’arrogance faussement paternelle de la démarche et jusque dans la confusion martiale, de dangereuses tensions diplomatiques, sociales et raciales au sein des peuples ? (1)
Pour rappel, ce que l’on présente aujourd’hui comme l’organisation non gouvernementale de défense des droits humains « Human Rights Watch », figure de proue mondiale de l’ingérence éthique et libérale, dont les positions se trouvent systématiquement relayées et validées par la presse officielle internationale à l’occasion d’éventuelles « violations » desdits droits par un gouvernement ou une autorité quelconque, n’est autre que la fusion publicitaire, en 1988, des différents comités régionaux Asia Watch, Africa Watch et Middle East Watch créés à la fin des années 1980, et du discret Helsinki Watch, officine américaine de délation européenne dédiée à la surveillance de la bonne application par l’ex-URSS des Accords d’Helsinki de 1975 (censés entériner la nature des relations entre Est et Ouest au cœur de la Guerre Froide). Cette dernière, fondée en 1978 par les deux activistes Robert Louis Bernstein, diplômé de Harvard, et Aryeh Neier (notamment président de 1993 à 2012 du réseau philanthropique de l’Open Society du milliardaire Georges Soros), alors financée par la Fondation Ford, naît sous l’impulsion, quelque temps auparavant, du dissident soviétique Youri Orlov (l’un des instigateurs, en 1973, du groupe Amnesty International en URSS) et du refuznik Natan Sharansky, lequel sera condamné en 1977 à treize ans de travaux forcés pour ses liens avérés avec les services secrets américains, avant d’émigrer en Israël et d’y faire carrière, à des postes divers, comme homme d’État de grande influence.
Human Rights Watch se distinguera tout particulièrement par sa pédagogie et sa bienfaisance universalistes (…) à l’occasion de la guerre de Bosnie-Herzégovine au début des années 90 en s’engageant, aux côtés d’Amnesty International (fondée en 1961 à l’initiative de l’avocat britannique Peter James Henry Solomon), en faveur d’une intervention militaire pour y assurer le « bon acheminement de l’aide humanitaire » ; son directeur Kenneth Roth légitimant en ces termes l’opération au nom de l’organisation : « Face à l’impératif que constituent la répression et la prévention des génocides ou de tout autre massacre systématique de populations, le recours à la force armée est parfois justifié »…
« Pompier pyromane »
Des organisations non gouvernementales, simples « associations à but non lucratif », qui entendent imposer le respect des droits humains aux quatre coins du monde par les armes plutôt que par les mots, trahissant toute espèce de confiance en la collectivité civile et d’espoir en l’effort diplomatique, ne conviendrait-il pas de voir là, à bien y réfléchir, quelque syndrome du « pompier pyromane » ? Pire encore, une entreprise d’opérations souterraines sous fausse bannière ? Comment évaluer, en temps de guerre, de massacres et de chaos social, la chronologie réelle des faits et la responsabilité directe des uns et des autres quant aux pertes humaines à déplorer ? Qui s’avère, tout compte fait, le plus génocidaire des belligérants ?
L’on s’apercevra que, depuis l’épisode des conflits ethniques de Bosnie-Herzégovine, les organisations telles Human Rights Watch, Amnesty International et d’autres (qui estimeront elles aussi, dans le contexte de la dernière guerre d’Afghanistan, que « la force militaire peut jouer un rôle décisif dans la facilitation de l’aide humanitaire », arguant le principe fumeux et trop équivoque de Responsability to Protect), ne feront qu’appuyer toujours plus l’argument de réponse armée à d’éventuelles violations des droits de l’homme, enjoignant presque aux Nations unies de revoir leur copie quant à la légitimation d’interventions militaires « à des fins humanitaires » ; ce qui, éthiquement, constitue déjà en soi un contre-sens fondamental, traduisant là une intention antinomique des plus douteuses : aider par la violence ? À quel prix ? Dans l’intérêt de qui ?
L’on peut s’interroger en effet sur l’influence — meurtrière — prise auprès des États soumis ou complices par ces ONG prétendument « philanthropiques » qui, telles des délatrices colonialistes internationales et fautrices de guerre médiatiques (le féminin a ici toute son importance dans sa faculté de dissimulation ; la nouvelle de milliers de morts étant toujours plus supportable à entendre de la bouche d’une speakerine aux yeux doux…), se font systématiquement le relais, sous le prétexte imparable et trop arrangeant de « défense des droits de l’homme », de situations, d’exactions, ou — plus insidieux encore —, d’« estimations » que personne n’est en mesure de contredire puisque les chiffres et les informations annoncés, images-loupes éloquentes à l’appui, devraient se suffire à eux-mêmes, incitant massivement et unanimement (sans contestation autorisée sous peine de « déni » de crimes…), à la compassion populaire et la révolte des âmes manipulées envers un ennemi fabriqué de toutes pièces… Ou comment faire accepter aux gens le sang versé pour les intérêts d’une élite décisionnaire…
Ce ne sont pas tant les chiffres et les mots, aussi fallacieux soient-ils, qui suffisent à déclencher les guerres, mais plutôt la soumission et l’impossibilité de validation ou de critique des informations communiquées dont est victime la population. Il semblerait que ce soit là le leitmotiv de la diplomatie états-unienne des trois dernières décennies, Clinton et Bush en tête, avant que ne s’ouvre l’étrange et surprenante période Trump — celui-ci ayant au moins le mérite d’exprimer clairement les choses. La « démocratie », pouvoir du peuple, pourrait-elle donc être apportée à ce même peuple jusque sous la menace des canons ?
Si, en application des textes de droit international humanitaire, le « génocide » d’une population ou le principe de « légitime défense » — que seul le plus puissant est en mesure de qualifier — devait justifier des opérations armées en terre étrangère, au nom du respect des « droits de l’homme », comment se convaincre de la réalité d’une situation d’avant-guerre, de son nombre annoncé de victimes, de la nécessité comme de la légitimité d’une intervention militaire extérieure — dont on sait qu’elle amènera toujours plus de morts, civils et soldats —, à des milliers de kilomètres, sinon en devant se fier à un discours officiel d’État, étayé par des médias unanimes et la complicité pressante et belliciste d’organisations prétendument indépendantes œuvrant en faveur de la défense de l’humain ? Mais de quel humain parle-t-on au juste ?
« Opinion publique »
La question du chiffre, de sa véracité et de son officialisation, apparaît ainsi comme déterminante dans l’évolution du scénario de guerre ; celui-ci permettant aussi insidieusement que tragiquement toute légitimation, auprès de ce qu’il est convenu d’appeler « l’opinion publique », d’opérations militaires partisanes qui n’auraient été autrement justifiables que par l’altération médiatique et délibérée de ces informations. En clair, il est évident que gonfler artificiellement un nombre de victimes choisies à annoncer cérémonieusement à quelques millions de téléspectateurs en mal d’exotisme morbide, attiser par les mots journalistiques d’éventuelles tensions locales que l’art diplomatique résoudrait de façon pratique sans grande difficulté, et dupliquer ici et là le mensonge politique en l’imposant unanimement dans les esprits disponibles en incapacité matérielle de contestation, reviennent à permettre et faire admettre par la force des choses le massacre répété de populations civiles, trahir l’engagement de milliers de soldats et violer toute espèce d’éthique militaire en faveur des intérêts profonds et communautaires d’un système politico-médiatique qui y trouve là à la fois le spectacle populaire de sa prétendue domination et l’occasion d’exécuter les manœuvres souterraines les plus viles d’un impérialisme fondamentalement criminel, face à un ennemi connu dont les positions idéologiques ou stratégiques, aussi saines puissent-elles être, auront été savamment et définitivement décrédibilisées par les exercices constants et protéiformes de diabolisation culturelle du média de masse. Tout l’art de la propagande au service du pilleur organisé : brouiller les pistes et faire distraction le temps de la manœuvre.
Prenons l’exemple, dernièrement, du conflit syrien. Quelques études, plus ou moins honnêtes, en ont été faites ici et là : à y regarder de plus près, la quasi-totalité, voire l’exclusivité des chiffres et « estimations » communiqués par les plus importantes agences de presse occidentales (Associated Press, Reuters, Agence France Presse…), qui se font nonchalamment l’écho des informations diffusées par le réseau Al-Jazeera (celui-ci affichant explicitement, par des spots publicitaires réguliers, sa position anti-Assad), provient unanimement d’un seul et même organisme autorisé — malgré la diversité existante de sources locales — pour le moins douteux, l’OSDH, Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, « groupe de veille » basé au Royaume-Uni et financé en partie par la fondation américaine National Endowment for Democracy, sous la responsabilité d’un certain Rami Abdel Rahmane, de son véritable nom Oussama Ali Souleiman, activiste exilé pro-démocrate engagé un temps auprès de l’organisation Amnesty International, avec laquelle il semble maintenir un contact régulier, et que certains chercheurs présentent comme l’idiot utile des services de renseignement britanniques. Une grande famille, semblerait-il…
L’on comprendra que dans cette configuration totalitaire de monopole informatif et réticulaire illimité, la falsification des données de guerre pour les rendre massivement publiques n’est qu’un jeu d’enfant : le nombre annoncé de pertes humaines, de manifestants rebelles ou de détenus anonymes, aussi fantaisiste ou militant soit-il, sera à la fois validé en haut lieu par les services officiels volontairement paresseux de l’ONU et repris en chœur par les médias du monde entier sans aucune espèce de pluralité réellement démocratique des points de vue. Voyez comme il est dramatiquement aisé d’user politiquement de prétextes fallacieux pour couvrir des génocides et autres opérations impérialistes criminelles, financières et stratégiques sur les terres non-alignées…
Un autre cas d’école récent, plus carnavalesque, est celui, en 2011, de la traque atlantiste sanguinolente du trop actif et souverain Mouammar Kadhafi. Quand le fauteur de guerre multirécidiviste, pardon, le « philosophe » français au sigle trilitère bien connu, s’engage et parade bruyamment, de cette arrogance mégalomaniaque et surréaliste, en une mise en scène conquérante des plus pathétiques et ô combien insultante vis-à-vis de tous les peuples du monde occupé, pour la destruction de cette grande nation, prospère et indépendante, qu’est alors la Libye, devançant même toute annonce présidentielle ou militaire, l’on ne peut qu’être impressionné de la patience du téléspectateur devant l’ignoble supercherie médiatique et meurtrière dont il est à nouveau la victime. Alors peut-être conviendrait-il maintenant, après analyse raisonnée, après comptage des morts et examen de la situation socio-économique libyenne actuelle, de reconsidérer pertinemment le qualificatif professionnel de notre vedette nationale de la pensée, car si la philosophie est à l’origine des tirs de blindés, pourquoi ne pas offrir une tribune télévisuelle régulière au pédocriminel notoire en le présentant à la nation comme éminent « pédopsychologue » ?
Transparence
En définitive, c’est bien le média qui nourrit la guerre, et non l’inverse ; les journalistes étant les premiers complices des « crimes contre l’humanité » qu’ils annoncent au monde. S’ils étaient véritablement engagés comme journalistes, leur seule curiosité les inviterait à s’intéresser de plus près aux composantes et motivations de ce deep state qu’évoquent capricieusement, presque tremblotants et à demi-mot, les chefs d’État eux-mêmes. À moins de vouloir y voir là définitivement, par excès maladif de zèle ou crainte mesquine de l’exclusion sociale, l’éternelle et arrangeante « théorie du complot » à base de mythes raciaux, de délires freudiens ou de fake news, qu’une articulation rigoureuse, méthodique et intelligente des données ne fait, pourtant et malheureusement, que valider.
Quant aux ONG des droits humains qui entendent faire la leçon aux autocrates du monde vulnérable et non-aligné, n’accablons pas leurs serviteurs de terrain, embrigadés ou de bonne volonté, qui agissent consciencieusement pour éponger le sang et les larmes des familles, mais étonnons-nous, au mieux, de leur timidité douteuse, leur engagement de parade ou leur inébranlable silence vis-à-vis des dictatures réelles du Moyen-Orient, celles qui empruntent arrogamment le nom de « démocraties », colonisent impunément les peuples, méprisent au vu et au su de tous les fondements du droit international, incarcèrent les gamins frondeurs venus défendre amoureusement la terre qui les a vu naître, négociant leur tranquillité volée au sniping ou au phosphore blanc ; ces démocraties infanticidaires, du vice et de la terreur testamentaires (la seule maîtrise de la lecture pouvant suffire à s’en convaincre…), que personne ou presque, comme en un climat général de pression mafieuse, n’ose sérieusement nommer.
Puisque nous sommes en guerre, comme l’a martelé le président Macron — qui n’inspirerait finalement qu’une forme de compassion désespérée pour son statut d’otage esthétique de l’État profond… — lors d’une allocution ratée et narcotique, navrante de bureaucratisme et d’accents lobbyistes primaires, il ne faudra plus hésiter à dire, pédagogiquement ou plus sauvagement, contre quoi. Un jour, cette minorité agissante et les gens que l’on croit intouchables du fait de leur seul titre ou patronyme, auront à répondre de leurs actes, et ce seront les soldats des deux camps réunis qui témoigneront, fusil en bandoulière ou dague au poing, sans aucune espèce de masque avilissant ou bâillon protecteur contre le plus contagieux des virus : celui de la vérité.
Car ce que la plupart des décideurs craignent désormais plus que tout et n’osent vraisemblablement plus admettre — sans doute par orgueil ou arrivisme pathologique — comme étant la plus évidente des solutions à la crise, n’est autre que la transparence. Certes elle fait peur par sa radicalité, son entièreté et son unicité mais elle est bien la réponse commune et durable à tous nos maux : la clé de la réussite sociale, individuelle, populaire et diplomatique. Malgré les faiblesses, les faux pas, les enfantillages et les conflits passés, il n’y a que la communication, dans sa clarté, son endurance et sa simple honnêteté — aussi naïves, irresponsables ou sacrificielles puissent-elles être — pour rassurer, impliquer, réparer et fédérer les peuples et les individus. Ni mutisme ni bavardage. Ni mensonge ni illusion. Seul le courage de dire et de faire.
Et cette transparence commence équitablement à l’intérieur des foyers, au sein même de chaque famille, entre tous les membres de la collectivité. Seul moyen de débusquer efficacement les faux miséreux et les vrais escrocs qui œuvrent en trahissant, plus ou moins clandestinement, le bien commun. Que l’on reproche au citoyen comme à l’adolescent en crise de répondre systématiquement « je ne sais pas » aux questions les plus sérieuses, paraît fondamentalement injuste dès lors que le bon sens ou l’humilité invite naturellement à ne pas se prononcer sans réellement savoir. Ceux-ci se devant même raisonnablement, s’ils en trouvaient le courage, de formuler leur position de la sorte : « Je ne sais pas et je t’emmerde »… À moins d’accepter de se livrer à la douloureuse expérience de la vérité, qui n’est certainement pas celle du média d’autorité…
(1) Le point de vue de l’auteur n’engage que lui et non le média.
Crédits photo : Un secouriste recherche des victimes après un bombardement russe visant le village de Jabala, dans la province syrienne d’Idlib (nord-ouest), le 2 novembre 2019. AFP

Reporter photographe indépendant et enseignant basé au Maroc, Rorik Dupuis Valder a notamment exercé en Égypte auprès des enfants des rues, s’intéressant particulièrement aux questions liées à l’éducation, la protection de l’enfance et aux nouvelles formes de colonialisme.