L’Arabie saoudite apporte son aide financière à la Côte d’Ivoire

Alassane Ouattara a su profiter de cette visite d’État pour obtenir une aide financière visant à soutenir ses réformes.

Le bilan était largement positif pour Alassane Ouattara. Dans un communiqué diffusé le 9 septembre, le président ivoirien a indiqué avoir eu « un échange fructueux avec Sa Majesté Salmane Ben Abdulaziz Al Saud et la Cour Royale sur les questions internationales, notamment la situation en Afrique et les foyers de tension, mais également sur des sujets d’ordre bilatéral tels que les voies et moyens à mettre en œuvre pour le renforcement de la coopération entre le Royaume d’Arabie saoudite et la Côte d’Ivoire ».

Alassane Ouattara a en effet effectué, du 7 au 9 septembre, une visite officielle à Djeddah. Outre le roi Salmane, le chef de l’État ivoirien a rencontré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Ibrahim Abdulaziz Al Assaf, et le président du Fonds saoudien de développement (FSD), Ahmed Bin Ageel Al Katib.

Cette visite a été l’occasion pour le président ivoirien d’insister sur l’opportunité d’un soutien au G5 Sahel et aux pays environnants, le terrorisme étant à ses yeux « une question d’ordre global ». La coopération entre la Côte d’Ivoire et l’Arabie saoudite a également fait l’objet des discussions entre le roi saoudien et son invité ivoirien. Les deux hommes se sont mis d’accord sur la nécessité de renforcer ce partenariat, « notamment par la prise en compte des questions relatives à l’amélioration du cadre social et la lutte pour la réduction de la pauvreté ».

Alassane Ouattara a évoqué certains des projets de développement parmi les plus ambitieux en matière d’infrastructures qu’entend mener la Côte d’Ivoire, en particulier la réhabilitation des voiries et la construction de logements sociaux, de centres de formation professionnelle et de lycées d’excellence.

Le président « s’est dit particulièrement heureux d’avoir effectué cette visite officielle à l’invitation de Sa Majesté Salmane Ben Abdulaziz Al Saud, roi d’Arabie saoudite, et l’a remercié pour l’accueil exceptionnel qui lui a été réservé par le peuple et les autorités saoudiens », conclut le communiqué de la Présidence.

Court et précis, ce dernier ne semble cependant pas avoir été compris de tous. Ainsi, pour le site d’informations Afriksoir, le chef de l’Etat ivoirien se serait livré à une « curieuse supplication » auprès du roi Salmane. La preuve : à la lecture du communiqué de la Présidence ivoirienne, soutient le site, « l’on apprend que le président Alassane Ouattara a imploré l’aide du roi Salmane auprès de certaines banques saoudiennes ».

C’est pourtant en vain que l’on chercherait une telle information dans le communiqué présidentiel. Alassane Ouattara a en effet « demandé l’intervention des autorités saoudiennes auprès de la Banque islamique de développement (BID) et de la BADEA pour l’obtention des financements nécessaires pour ces grands projets dans les trois (03) prochaines années ». Il a en outre « relevé les avancées notables dans les discussions avec le Fonds saoudien de développement [au sujet des grands projets d’infrastructure] ».

Ainsi, c’est l’interprétation d’Afriksoir qui paraît curieuse. En avril 2018, un mémorandum de coopération a été signé entre le FSD et son équivalent hexagonal, l’Agence française de développement (AFD). Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian et le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, ont validé cet accord, qui prévoit notamment 100 millions d’euros de la part de chacun des partenaires sur des projets en Afrique. Les responsables français se seraient-ils livrés à cette occasion à une « curieuse supplication » ? Voilà ce dont personne n’aurait songé à les accuser.

Et pour cause. L’octroi de dons ou des prêts à taux avantageux visant à financer des programmes d’amélioration de l’accès à l’eau potable, aux soins, à l’électricité, à l’école ou encore à des logements décents est l’objectif même de l’aide au développement, qui existe depuis le milieu du XXe siècle. Comme l’AFD française, le Departement for International Development britannique ou l’Agence américaine pour le développement internationale (USAID), le FSD saoudien contribue à la croissance des pays en développement par le financement de projets, en l’occurrence ambitieux.

Il s’agit donc de la principale forme de coopération multilatérale, qui n’a rien d’une « supplication » ou d’un « rabaissement ».

Afriksoir accuse en outre Alassane Ouattara de creuser la dette de la Côte d’Ivoire quelques mois avant la fin de son mandat. Ce serait pourtant oublier que le pays affiche le taux d’endettement le plus faible de la région ouest-africaine, à 43,2 % à fin 2018.

Comme l’a rappelé le premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, ce taux est en dessous de la norme communautaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui est de 70 %. Mieux : en analysant la viabilité de la dette sur 20 ans, le premier ministre a confirmé que « le risque de surendettement de la Côte d’Ivoire est modéré », car « tous les indicateurs de solvabilité et de liquidité demeurent en dessous de leurs seuils respectifs de base ».

Amadou Gon Coulibaly a par ailleurs souligné que le ratio services de la dette/recettes propres du pays est en deçà du taux préconisé par le Fonds monétaire international (18 %).

Il est enfin curieux de reprocher à un chef d’État d’agir pour la transformation de son pays à l’approche de la fin de son mandat. Alassane Ouattara devrait-il cesser de gouverner sous prétexte que l’élection présidentielle doit avoir lieu dans près d’un an ? Ce n’est en tout cas pas ce qui semble penser la Banque mondiale qui, en février dernier, a encouragé le gouvernement ivoirien à améliorer les infrastructures de transport afin de « promouvoir une économie plus inclusive » et de maîtriser l’urbanisation rapide du pays.

Faudrait-il renoncer à ces projets et laisser le soin d’améliorer le quotidien des Ivoiriens au futur président ? Ce n’est visiblement pas l’avis d’Alassane Ouattara, et il serait difficile de lui donner tort : sa visite officielle en Arabie saoudite commence déjà à porter ses fruits. Dès lundi 9 septembre, le président du Fonds saoudien pour le développement a réitéré la volonté de son organisation d’accompagner la Côte d’Ivoire dans la construction du centre hospitalier universitaire (CHU) d’Abobo. Ce dernier « pourrait être une réalité dans les mois à venir », soit probablement avant le scrutin présidentiel de 2020. Pas sûr que cela soit motif de suspicion pour les nombreux patients qui en bénéficieront.

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