Le Qatar peut remercier le Mondial 2022

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19.11.2017

Doha vient d’abandonner le très controversé système des parrainages pour les travailleurs immigrés.

750 riyals, soit 166 euros. C’est le salaire minimum pour les travailleurs étrangers au Qatar, que vient de fixer le ministre du Travail, Issa al-Nouaïmi. « Celui-ci entrera immédiatement en vigueur et nous poursuivons des évaluations pour déterminer le salaire minimum fixe. Nous n’approuverons aucun contrat de travail où le salaire est inférieur à 750 riyals par mois » a-t-il précisé. Le montant est donc provisoire et une augmentation serait déjà à l’étude ; le salaire ne comprend en tout cas pas le logement, le loyer et les soins qui restent à la charge des employeurs.

« Logements sordides surpeuplés »

L’annonce, qui fait l’effet d’une petite révolution dans l’émirat, est le résultat d’une adaptation, par à-coups, du Qatar aux standards internationaux du travail, plutôt bien perçue à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Le pays « donne ainsi le signal du lancement de réformes réelles qui engageront le pays sur la voie du respect de ses obligations juridiques internationales en matière de droits des travailleurs » s’était félicitée il y a quelques semaines Sharan Burrow, la secrétaire générale de l’International Trade Union Confederation (ITUC), la plus grande fédération syndicaliste au monde.

La mise en place d’un salaire minimum – minimum syndical pour un pays qui rêve de rayonner à l’international – est l’une des réponses apportées par Doha à l’ensemble de ses détracteurs, qui l’accusaient par le passé de mauvais traitements à l’égard de ses ouvriers. Dont quasiment neuf sur dix n’ont pas la nationalité qatarie. L’an dernier, Amnesty International, dans un rapport, avait pointé du doigt les conditions dans lesquelles travaillaient les étrangers – majoritairement des Asiatiques –, sur les chantiers du Mondial de football 2022 surtout.

« Logements sordides surpeuplés » ; « tromperie quant à la rémunération ou au type de travail offerts » ; « non-versement ou paiement en retard des salaires ». « Ce type d’abus a pourtant été largement documenté depuis 2010, mais la situation change peu ou pas. Et la FIFA ne fait pas grand chose pour y remédier » avait regretté l’ONG, qui dénonçait aussi bien le Qatar que la Fédération internationale du football, « commanditaire principal des installations construites [qui] doit traiter en priorité la question de l’exploitation des travailleurs migrants ».

Plainte classée

L’organisation de la Coupe du monde 2022 devait servir de vitrine pour le petit émirat – elle le forcera en fin de compte à faire évoluer sa législation sur le travail. En décembre dernier, c’est le système très controversé des parrainages pour les travailleurs immigrés, sorte d’esclavage moderne, qui prenait fin. Pour Hassan Al Thawadi, le secrétaire général du comité Qatar 2022, le Mondial qatari est ainsi un événement « qui laissera en héritage un progrès durable et significatif pour les travailleurs à travers le pays […] Nous continuerons à travailler dur pour que notre vision devienne une réalité omniprésente sur le terrain. »

Encore faut-il que le Qatar conserve le droit d’organiser la Coupe du monde en 2022. Le pays subit actuellement un embargo politico-économique de la part de l’Arabie saoudite, soutenue par le Bahreïn, l’Egypte et les Emirats arabes unis (EAU), pour s’être rapproché de l’Iran ces dernières années et avoir contribué au financement du terrorisme selon eux. Abou Dabi qui, tout comme Doha et Riyad, effectue un lifting complet de son pays pour plaire à l’international, a exigé du petit émirat qu’il se soumette aux volontés saoudiennes à moins de voir le Mondial lui échapper. Pas sûr que cette exigence soit entendue.

A l’issue de cette petite série de réformes, l’Organisation internationale du travail (OIT) vient en tout cas de classer une plainte ouverte contre le Qatar pour « non-respect de la convention sur le travail forcé ». Signe que les choses évoluent effectivement dans le bon sens.

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