Difficile, pour la communauté internationale, de rester muette face à la tragédie humanitaire qui se joue en Syrie.
L’horreur ne s’expliquera sans doute jamais. Ici, pourtant, elle tient en une phrase et quelques chiffres. Hier, en Syrie, les habitants de la Ghouta orientale ont connu « la pire journée de bombardements depuis des années », selon la journaliste à la BBC Lina Sinjab. Au moins 100 civils, dont 20 enfants, ont été tués et 300 autres blessés, en 24 heures de temps, dans des bombardements effectués par le régime syrien. Prêt à tout pour remettre la main sur ce fief rebelle – l’un des derniers du pays. La raison ? « Les villes de la Ghouta orientale sont aujourd’hui le dernier refuge de fondamentalistes de la Faylaq al-Rahman (Légion de Rahman) et de la Jaish al-Islam (Armée de l’islam), soutenue par l’Arabie saoudite, dans la région de Damas » indiquait récemment Michael Jansen, spécialiste du Moyen-Orient, au quotidien The Irish Times.
Coupée du monde
Faut-il y voir la main de l’Iran, soutien indéfectible de la Syrie et premier opposant aux Saoudiens dans cette partie du globe ? Un sursaut d’orgueil de Bachar al-Assad, bien aidé par l’aviation russe dans son entreprise ? Une chose est sûre : le régime syrien veut faire taire ses opposants – teintés d’islamisme ou non. Et ne fait pas dans le détail : les attaques perpétrées ces derniers jours « n’ont pas seulement atteint des civils, mais aussi tous leurs moyens de survie – des boulangeries, des entrepôts et tout ce qui peut contenir des vivres ont été touchés » expliquait également Lina Sinjab. Ceci alors que tous, des organisations humanitaires aux plus hautes instances des Nations unies (ONU), appellent à une trêve d’urgence, afin de porter secours aux civils.
« L’accès général à la Ghouta orientale demeure terriblement difficile ; aucun convoi n’a été effectué en décembre ni en janvier » déplorait, hier, Panos Moumtzis, le coordinateur régional de l’aide humanitaire pour la Syrie. « Alors que les demandes de convois humanitaires pour cette région sont systématiquement formulées tous les mois, une seule initiative a été autorisée à se rendre dans la ville de Nachabiyé, le 14 février, afin de livrer des vivres et des produits de santé à 7 200 personnes. » Bien en-deçà, toutefois, des besoins globaux. D’après l’ONG internationale Care, « l’apport d’aide humanitaire [vient d’ailleurs d’être] suspendu à cause des bombardements incessants. Civils et humanitaires sont contraints de se cacher dans des abris souterrains. Privés de nourriture et de médicaments, des milliers de personnes font face à la faim et la mort » renseigne un communiqué publié mardi après-midi.
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Autre « ligne rouge »
Une trêve humanitaire, c’est aussi ce qu’a vivement demandé Abdulrahman Almawwas, le vice-président des « casques blancs », en visite à Paris la semaine dernière. Officiellement connue sous le nom de Protection civile syrienne, cette organisation humanitaire regroupe 3 400 volontaires prompts à se jeter dans les décombres lorsque des bombes frappent le sol. Et malgré un bilan de plusieurs milliers de vies sauvées depuis le début de la guerre civile, ces « casques blancs » font l’objet d’une campagne de désinformation de la part du régime syrien, qui les présente comme « terroristes ». Le Guardian, en décembre dernier, avait démontré que cette « contre-narration » était en réalité propagée en ligne par un réseau d’activistes avec l’appui de Moscou. Qui, non contente de bloquer des résolutions à l’ONU pour protéger son allié syrien, verse dans la fake news de manière inconséquente.
Dans la capitale française, le vice-président de cette organisation n’en a pas moins rappelé la nécessité « d’un vrai cessez-le-feu pour ensuite discuter d’une solution politique ». Celle-ci ne pouvant intervenir, selon lui, sans « mesures concrètes » de la communauté internationale, qui se retranche aujourd’hui derrière des « lignes rouges » – l’utilisation par le régime d’armes chimiques – pour ne pas avoir à agir. Hypocrisie pour les uns, frilosité pour les autres ; il ne fait pourtant plus guère de doute que Bachar al-Assad a effectivement eu recours à ces « munitions interdites » pour toucher son peuple. La France, mais également les Etats-Unis, ne peuvent plus évoquer cette échappatoire, facteur de grave inertie. Une autre « ligne rouge » fixée par Emmanuel Macron a d’ailleurs été franchie : l’accès de l’aide humanitaire aux zones de conflit, qui n’est pas assuré.
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Mis à jour le 20.02.2018 à 17h45
