Opération séduction du prince héritier saoudien à Washington

En visite à Washington, Mohamed ben Salman vient surtout s’assurer du soutien de son allié américain.

Le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman, est arrivé hier aux Etats-Unis pour une visite officielle, au cours de laquelle il rencontrera le président Donald Trump et un certain nombre d’officiels pour discuter des relations bilatérales – diplomatiques, commerciales, notamment. Ce déplacement à Washington sera la dernière étape de sa première tournée en tant que prince héritier d’Arabie saoudite, après une visite de l’Egypte et de la Grande-Bretagne au cours du mois dernier. Avec son homologue américain, cependant, un dossier devrait attirer toute l’attention : celui de l’Iran, avec qui les Saoudiens luttent pour la suprématie au Moyen-Orient.

Avancée des Iraniens

Ingérence dans la région, accord nucléaire, guerre au Yémen – où Téhéran soutient les milices houthistes qui affrontent le gouvernement yéménite, épaulé par Riyad depuis mars 2018 -, crise syrienne ; il y aura matière à dialoguer à propos de cet « ennemi » qu’on en commun Mohamed ben Salman et Donald Trump. Celui-ci ayant pris le parti inverse de son prédécesseur, Barack Obama, qui affichait un tropisme volontiers iranien – et avait tout fait pour que l’accord sur le nucléaire, signé en juillet 2015, soit une réussite. Les choses ont donc changé ; l’Iran a fait son retour sur « l’axe du mal » érigé par George W. Bush et la diplomatie américaine s’est clairement rapprochée de Riyad.

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Les Etats-Unis, tout comme l’Arabie saoudite, voient ainsi d’un mauvais œil l’avancée des Iraniens au Moyen-Orient – en plus d’avoir participé à la « victoire » de son allié Bachar al-Assad en Syrie, Téhéran intervient indirectement au Yémen et, au Liban, le parti politique chiite du Hezbollah est à sa solde. Régulièrement, des passes d’armes ont lieu entre les deux géants moyen-orientaux ; il y a quelques jours, un responsable du « Parti de Dieu », le cheikh Nabil Kaouk, a par exemple comparé sans le nommer le prince héritier saoudien à Adolf Hitler. Ceci en réponse aux propos tenus par Mohamed ben Salman, qui avait dressé un parallèle entre le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et le dictateur nazi.

« Vision 2030 »

Le fils de l’actuel monarque saoudien, le roi Salman, vient chercher aux Etats-Unis, entre autres, le soutien de son allié américain. Surtout en ce moment : la guerre au Yémen s’enlise, les Saoudiens ne sachant pas bien comment contenir les avancées des Houthis – qui ont pris la capitale, Sanaa – ni comment redorer leur image – ils sont accusés de cibler de manière indistincte, lors des frappes aériennes qu’ils conduisent, populations civile et militaire. En trois ans, le conflit a fait plus de 10 000 morts et précipité entre 7 et 8 000 personnes dans une situation de quasi famine, quand plus de 20 millions de Yéménites ont besoin d’une aide humanitaire.

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Les Etats-Unis, qui soutiennent la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, souhaitent d’ailleurs lui apporter un milliard de dollars de financements, avec notamment des capacités de renseignement, de formation et de réapprovisionnement en vol. Sauf que cet apport ne fait pas l’unanimité ; plusieurs membres du Congrès sont vent debout contre la participation de Washington à la « pire crise humanitaire du monde », selon les Nations unies (ONU). Sur la scène intérieure, également, Mohamed ben Salman aura à cœur d’attirer les investisseurs, pour abreuver son plan économique « Vision 2030 » cette fois-ci. Censé désengager le royaume du tout pétrole, celui-ci peine pour l’instant à se concrétiser.

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