« Les manifestations dans le pays sont désormais quotidiennes depuis un mois et demi » rappelle le politologue Sébastien Boussois.
Rarement nouvelle loi en Israël n’aura suscité autant le rejet de la population et celle du gouvernement de Benjamin Nétanyahou, fragile coalition menée par l’extrême droite nationaliste et religieuse. Le nouveau Premier ministre n’imaginait sûrement pas un tel vent de fronde quand il a tout fait pour reprendre le pouvoir et monter un gouvernement, le plus radical que le pays ait connu depuis sa création, devenant prisonnier de ses alliés sulfureux.
Aujourd’hui, face aux pires démonstration populaires que l’Etat hébreu ait connu, Nétanyahou aura bien du mal à imposer sa réforme de la justice dans le pays. Cherchant à satisfaire ses partenaires qui rêvent d’un Israël judéo-juif donc antidémocratique, il souhaitait faire passer une réforme de la Cour suprême, institution garante de la démocratie en Israël et éternel poil à gratter pour les courants juifs les plus extrêmes qui rêvent de se débarrasser des Palestiniens en particulier, des Arabes en général dans le pays. Le but : accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats.
Mais le gouvernement israélien est sur la sellette. Habitué aux scrutins législatifs à répétition, le pays est sur la pente glissante : colons décomplexés menant des opérations punitives contre les Palestiniens, attentats visant des synagogues commis par des Arabes, « pogrom » dans le village de Huwara le 26 février dernier [1], recrudescence de la violence en Cisjordanie, multiplication des actes de terrorisme des extrémistes juifs en Palestine et qui jettent de l’huile sur le feu maintenant que leurs partis sont au pouvoir, attentat à Tel Aviv mené par un membre du Hamas. Un engrenage qui semble pour le moment sans fin. Depuis le début de l’année, 74 Palestiniens et 13 Israéliens sont morts de cette violence inédite depuis des années.
Programme raciste, discriminatoire et islamophobe
Les manifestations dans le pays sont désormais quotidiennes depuis un mois et demi. Le 12 février dernier, des dizaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans les rues pour protester contre l’extrême droite, en brandissant des drapeaux arc en ciel et palestiniens. Un mois plus tard, jeudi dernier, décrété journée de la résistance contre la réforme de la justice. Plus de 65 000 personnes ont cherché à bloquer le départ du Premier ministre israélien vers l’Italie.
« Bibi », qui a toujours ménagé ces courants d’extrême-droite, a en réalité tout fait depuis des années pour faciliter progressivement leur entrée au gouvernement, rêvant de toute façon de tout faire pour se maintenir en place. Ce qu’il se passe aujourd’hui en Israël est significatif de deux faits inédits : un fait inquiétant c’est la place qu’a pris cette extrême-droite juive décomplexée prête à tuer dont on a longtemps refusé de voir la radicalité et la violence et qui n’est pas prête désormais de lâcher le pouvoir, et un fait rassurant, le sursaut démocratique des Israéliens qui en s’opposant aux réformes en cours rejettent massivement le programme raciste, discriminatoire, ségrégationniste, arabophobe et islamophobe des courants nationalistes et religieux de leur propre pays. Et ce que certains craignent, la fin de l’Etat démocratique et l’arrivée de la dictature des religieux !
Dernièrement, c’est le Président israélien, Isaac Herzog, qui en a appelé à abandonner purement et simplement la réforme judiciaire, grenade dégoupillée entre les mains de Netanyahou. Ceci afin d’éviter de porter encore plus atteinte aux fondements de la démocratie, et surtout d’éviter la guerre civile ! Comme aux Etats-Unis depuis des années, ces courants radicaux n’ont de cesse désormais de menacer un peu plus chaque jour l’unité nationale.
[1] reconnu comme tel par un éminent général israélien, Yehuda Fuchs
Crédits photo : le Premier ministre d’Israël, Benjamin Nétanyahou, et son épouse.
