Washington et Riyad semblent décidés à aller de l’avant, alors que la Chine commence à s’engager sérieusement au Moyen-Orient.
En l’espace de quelques jours, l’Arabie saoudite a conclu des accords spectaculaires avec les deux premières puissances mondiales, la Chine et les États-Unis. Riyad a signé un accord facilité par la Chine visant à rétablir les liens diplomatiques avec son ennemi juré, l’Iran, puis a annoncé un contrat massif pour l’achat d’avions commerciaux auprès du constructeur américain Boeing.
Ces deux annonces ont donné lieu à de nombreuses spéculations, selon lesquelles les Saoudiens posaient leurs jalons en tant que force économique et géopolitique dominante, disposant de la souplesse nécessaire pour faire jouer Pékin et Washington l’un contre l’autre, explique l’agence de presse américaine Associated Press (AP). Elles ont également donné à la Chine un rôle de premier plan, peu familier dans la politique du Moyen-Orient.
« Partenariat stratégique »
Par ailleurs, ces annonces ont soulevé la question de savoir si les relations américano-saoudiennes – glaciales pendant la majeure partie des deux premières années du mandat du président Joe Biden – étaient parvenues à une détente. Cependant, alors que l’administration Biden fait le point sur la situation, les responsables s’opposent à l’idée que ces développements constituent un changement dans la dynamique concurrentielle entre les États-Unis et la Chine au Moyen-Orient.
« La Maison-Blanche se moque de l’idée que l’accord sur les avions signale un changement significatif dans les relations de l’administration avec Riyad, après les critiques virulentes de M. Biden, au début de sa présidence, sur le bilan des Saoudiens en matière de droits humains et sur la décision du cartel pétrolier de l’OPEP+ dirigé par les Saoudiens de réduire la production l’année dernière. » (AP)
« Nous nous efforçons de faire en sorte que ce partenariat stratégique soutienne réellement, de toutes les manières possibles, nos intérêts de sécurité nationale dans la région et dans le monde entier », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, à propos des relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. Il s’est exprimé après que Boeing a annoncé cette semaine que les Saoudiens achèteraient jusqu’à 121 avions.
Mais l’implication de la Chine dans la facilitation d’une reprise des relations diplomatiques irano-saoudiennes, et l’important contrat de Boeing – pour lequel la Maison-Blanche a déclaré avoir plaidé – ont ajouté une nouvelle tournure à la relation en dents de scie de Joe Biden avec le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salman.
Lorsqu’il était candidat à la Maison-Blanche, Joe Biden avait juré que les dirigeants saoudiens paieraient un « prix » sous sa direction pour l’assassinat en 2018 du journaliste américain Jamal Khashoggi, qui critiquait les dirigeants du royaume. Plus récemment, après que le cartel pétrolier de l’OPEP+ a annoncé en octobre qu’il réduisait sa production, M. Biden a promis des « conséquences » pour une décision qui, selon l’administration, aidait la Russie.
Progrès significatifs
Aujourd’hui, Washington et Riyad semblent décidés à aller de l’avant, et ce à un moment où la Chine commence à s’engager dans une diplomatie plus affirmée au Moyen-Orient. Selon la Maison-Blanche, les autorités saoudiennes ont tenu les États-Unis informés de l’état d’avancement des pourparlers entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur le rétablissement des relations diplomatiques depuis leur début, il y a près de deux ans.
Des progrès significatifs ont été réalisés au cours de plusieurs cycles de discussions organisés par l’Irak et Oman, bien avant que l’accord ne soit annoncé en Chine la semaine dernière, lors de la cérémonie du Congrès national du peuple. Contrairement à la Chine, les États-Unis n’ont pas de relations diplomatiques avec l’Iran et n’ont pas participé aux pourparlers.
Les relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite ont toujours été tendues, et assombries par un clivage sectaire et une concurrence féroce dans la région. Pour rappel, elles ont été rompues en 2016, après l’exécution par l’Arabie saoudite d’un éminent religieux chiite, Nimr al-Nimr. Des manifestants à Téhéran avaient pris d’assaut l’ambassade saoudienne, et le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait juré une « vengeance divine » pour l’exécution de Nimr al-Nimr.
Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a déclaré en début de semaine que la Chine « rame dans la même direction », en s’efforçant d’apaiser les tensions entre les pays arabes du Golfe qui se livrent depuis des années à des guerres par procuration au Yémen, en Syrie, au Liban et en Irak.
Crédits photo : Xi Jinping, le président de la Chine, aux Nations unies, en janvier 2017 (UN Photo/Jean-Marc Ferré).