La province, à la frontière irakienne, connait des regains de violence et des manques humanitaires.
On en aurait presque oublié la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI). L’actualité en Syrie, aussi riche que tragique, a légèrement mis de côté, ces derniers temps, le sort des djihadistes de Daech (acronyme arabe de l’EI), acculés aux confins de la frontière irako-syrienne depuis quelques mois. Les échecs répétés de la diplomatie internationale à mettre en place une trêve humanitaire dans le quartier de la Ghouta orientale, puis à diligenter une enquête internationale pour mettre au jour d’éventuel cas d’attaques chimiques par le régime syrien – toujours dans cet ancien fief rebelle -, ont tiré à eux la couverture médiatique. Ce qui ne signifie en aucun cas que le terrorisme en Syrie a perdu. Loin de là.
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Au moins 25 soldats et combattants pro-régime ont été tués dans une offensive de l’EI, près de la ville de Mayadine, dans l’est de la Syrie, a indiqué hier l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Des combats avaient effectivement débuté la veille, autour de la cité reprise aux djihadistes il y a six mois ; une quinzaine d’entre eux auraient par ailleurs péri dans les affrontements. « Les tentatives de l’EI d’avancer en direction de Mayadine se poursuivent » a ainsi déclaré le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane ; selon lui, il s’agit de « la plus grande offensive de l’EI depuis qu’ils ont perdu la ville », située à 40 kilomètres au sud-est de Deir Ezzor.
Cartographie humanitaire
Le président français, Emmanuel Macron, l’avait d’ailleurs répété à plusieurs reprises, peu avant de conduire des frappes – de concert avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni – contre des infrastructures militaires syrienne, la semaine dernière. L’objectif prioritaire était, selon lui, de « lutter contre les groupes terroristes », ce qui permettrait, ensuite, d’ « obtenir un cessez-le-feu » et d’ « apporter de l’aide aux populations civiles ». Et la région de Deir Ezzor, d’où les combattants de l’EI ont été en partie boutés fin 2017, constitue l’une des dernières poches djihadistes, entre la Syrie et l’Irak, avec un bastion dans le sud de la capitale, Damas. Outre les affrontements armés, la localité fait face à plusieurs problématiques, humanitaires notamment.
Depuis la mi-2017, le conflit en cours a effectivement entraîné des déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernorat, pour un total estimé à 230 000 personnes de juillet à mi-décembre, explique l’ONG Reach dans un communiqué publié hier. Malgré « la récente désescalade du conflit dans certaines parties » de la région, la sécurité encore très fébrile et le manque d’accès physiques entraînent, selon l’organisation, « d’importantes lacunes en matière d’information et ce qui concerne l’emplacement et les besoins prioritaires des résidents non déplacés, des rapatriés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays. » La raison pour laquelle Reach a récemment effectué une cartographie de la situation humanitaire de la région de Deir Ezzor.
« Priorités essentielles »
Entre le 3 et le 8 avril derniers, des interviews diligentées sur place ont permis d’évaluer quelque 92 sites, par communauté, en partenariat avec les organisations humanitaires. Le but : « Evaluer les communautés et les sites informels afin d’identifier les estimations de population et les besoins » humanitaires. Et, résultat, il existe « de grandes disparités dans la disponibilité et l’accessibilité des services dans l’ensemble du gouvernorat. » Les personnes interrogées ont signalé « qu’une forte proportion de la population vit dans des types d’abris vulnérables, qu’il n’y a pas d’accès au réseau principal d’approvisionnement en eau et que les services d’éducation formelle sont essentiellement inexistants. »
Dans la plupart des communautés peuplant Deir Ezzor, globalement, les « indicateurs » de Reach ont signalé que très peu de personnes disposaient d’installations sanitaires en état de fonctionnement. Des carences auxquelles s’ajoutent – ou entrainées en partie par – les problèmes liés à l’état de délabrement du réseau électrique. D’ailleurs, l’ONG a érigé santé et accès à l’énergie en « priorités essentielles », afin de « répondre aux besoins des groupes de population ». Qui ne verront pas la situation s’améliorer de sitôt. D’après une source militaire syrienne citée par l’AFP, l’EI contrôle encore quelques villages sur la rive est de l’Euphrate, aux mains de l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS).
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