« L’histoire du royaume avec le Liban est pleine de bonté et d’amour »

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, veut-il rassurer les Saoudiens après la victoire du Hezbollah aux législatives ?

C’est ce que l’on appelle caresser son interlocuteur dans le sens du poil. Samedi, l’ambassade saoudienne au Liban a reçu, à l’occasion de l’Iftar (le repas pris chaque soir au coucher du soleil par les musulmans pendant le mois de ramadan), le Premier ministre libanais, Saad Hariri, entre autres personnalités politiques. Une invitation qui a eu lieu quelques jours après la « victoire » du parti chiite du Hezbollah aux législatives, vue d’un très mauvais œil par Riyad – le « Parti de Dieu » étant lié directement à l’Iran, la bête noire du royaume saoudien dans la région. Et dont le but était de rassurer le géant de la Péninsule arabique ?

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Au menu de ce banquet : éloge de la relation très resserrée entre les deux pays arabes, rappel de leur commune histoire « pleine de grandeur et d’amour » et un soupçon de géopolitique régionale, entre autres. « L’histoire du royaume avec le Liban est pleine de bonté et d’amour, et nous coopérons avec toutes les personnes honorables du pays à notre époque pour honorer cette histoire et notre adhésion aux meilleures relations avec les pays arabes frères » a ainsi déclaré Saad Hariri au cours de la soirée. « Ce que l’Arabie saoudite veut des Libanais, c’est de rester unis et de préserver […] notre engagement envers l’accord de Taëf. »

Financements iraniens

L’accord de Taëf – du nom de la ville saoudienne où il fut signé – est un traité inter-libanais paraphé le 22 octobre 1989, destiné à mettre fin à la guerre civile libanaise qui s’étirait depuis 1975. Et, indirectement, aider le pays du Cèdre à retrouver une concorde nationale, dépouillée de toute ingérence étrangère. Sauf que, régulièrement, des voix s’élèvent pour dénoncer la non-mise en application de l’accord, qui prévoyait, entre autres, le désarmement de plusieurs groupes armés – dont certains sont affiliés à Israël – et la fin de l’emprise du Hezbollah sur le sud du Liban.

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Aujourd’hui, beaucoup estiment que le parti chiite, dont la création remonte à 1982 et avait pour but de s’opposer militairement à l’Etat hébreu – grâce à des financement iraniens donc -, est sorti de son rôle initial de « défenseur » du Liban, et a une importance trop grande dans le pays. Les législatives du 6 mai dernier en sont le parfait exemple. Et si, pour des raisons historiques, le poste de Premier ministre est obligatoirement attribué à un homme politique de confession sunnite, le Hezbollah perçoit Saad Hariri, qui sera reconduit dans ses fonctions de chef du gouvernement, comme son plus fidèle allié au Liban.

« Lignes rouges »

D’après le politologue Ali Mourad, spécialiste de l’Arabie saoudite et du Hezbollah, celui-ci « a besoin d’Hariri pour assurer la stabilité économique du pays et faire venir les investisseurs. [Le Premier ministre] arrange le Hezbollah, il lui permet de jouer son rôle régional sans être dérangé » estime-t-il. Un sentiment de toute-puissance, quelque part, renforcé par le gain des élections ; quelques jours après, le secrétaire général adjoint du « Parti de Dieu », Naïm Kassem, appelait d’ailleurs à constituer un « gouvernement d’union nationale » tenant compte des résultats.

D’où l’importance, pour Saad Hariri – à qui reviendra cette tâche -, de rappeler son tropisme saoudien aux principaux intéressés. En l’occurence : l’ambassade saoudienne au Liban et, à travers celle-ci, les autorités du royaume, qui craignent de plus en plus l’ingérence de l’Iran au Moyen-Orient. Et surtout dans le pays du Cèdre. « Nous sommes tenus de nous distancer [des problèmes régionaux] et de considérer l’arabisme du Liban comme une ligne rouge qui ne peut pas être dépassée » a-t-il ainsi déclaré, samedi dernier, en référence à l’intervention du Hezbollah en Syrie, par exemple. Où l’on sait que les fameuses « lignes rouges » sont souvent allègrement franchies.

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