La guerre constitutionnelle continue, et la feuille de route du président Kaïs Saïed n’a toujours pas été dévoilée.
Le principal parti au pouvoir en Tunisie, la formation islamiste Ennahda, avait aussitôt dénoncé « un coup d’État contre la révolution et contre la Constitution, dans un communiqué publié sur sa page Facebook. Et les avis émanant des partis politiques et de la société civile ont divergé.
Sur les réseaux sociaux, ces décisions ont divisé les Tunisiens. Deux tendances se dessinaient alors: ceux qui soutenaient ouvertement le président dans sa démarche et se réjouissaient du sort des islamistes et ce qui dénonçaient un coup d’Etat constitutionnel malgré les arguments avancés par le président en faveur d’une procédure « constitutionnelle ».
Le changement oui mais comment ?
En outre, la crise socio économique qui s’est aggravée avec la crise sanitaire a agit comme un facteur de changement, le cynisme a drastiquement diminué et les Tunisiens semblent croire que la résistance au changement ne les mènera pas plus loin que les 10 dernières années.
Le changement, oui, il était grand temps que quelque chose arrive après le marasme politico économique qui a participé directement à l’appauvrissement matériel et intellectuel des Tunisiens mais à quel prix et dans quel sens ? Les plus sages ont préféré interroger le sens de ce changement et la stratégie décidé – si il en existe une- pour donner du sens aux décisions prises le 25 juillet dernier.
Cela étant, il demeure pour l’heure très difficile de comprendre ce que concocte Saïed et ce qu’il réserve à l’avenir politique du pays : œuvre t-il pour l’instauration d’un régime présidentiel ou agît il de la sorte simplement pour éviter le déclin de la nation et après cela, l’effusion de sang ?
Halte à la benalisation
Petit rappel, les stations les plus importantes dans l’histoire de la Tunisie ont toutes été marqués par un désir de changement, ce qui s’en est suivi n’a pas toujours été dans l’intérêt des citoyens ou du moins une partie infime d’entre eux. Le 7 Novembre 1987, date à laquelle le feu président déchu Zinelabidine Benali a évincé Habib Bourguiba du palais de Carthage pour s’emparer du pouvoir, avait aussi des allures de changements et portait des promesses de démocratie naissante.
Des années plus tard, la révolution est arrivée avec son lot d’espoirs et d’objectifs, aussitôt récupérée par l’opportunisme politique et l’inconscience citoyenne. Aujourd’hui, et suite à la dégradation de la situation des Tunisiens dans bien des domaines, le changement devient un besoin vital, le renversement du statu quo et de l’impasse politique donnera sûrement de l’espoir à ceux qui ont tant rêvé le 14 janvier 2011 mais avons-nous tous les éléments nécessaires pour porter un jugement en ce sens ? Que savons nous du plan du président ?
Une affaire de justice… transitionnelle
Pour l’heure, tout porte à croire que l’autocratie s’amarre en Tunisie, compte tenu de la concentration de pouvoirs, le la politique de l’homme providentiel et du statut passif des Tunisiens. Halte à la benalisation et halte à l’excès de zèle, en cette période si délicate.
Aujourd’hui, si il y a une leçon à retenir de tout ce vacarme politique, c’est le prix à payer dû à l’échec de la justice transitionnelle qui est très peu pointée du doigt dans les analyses exposées jusque là d’ailleurs.
Le manque de transparence sur ce qui s’est réellement passé et le peu d’intérêt témoigné quant à la découverte de la vérité semblent avoir eu raison du déclenchement d’une démocratie saine. Les victimes sont les nouveaux bourreaux et vice versa. L’impasse en résulte. Et la dictature aussi.
Ce qui est tout de même intéressant c’est la « naïveté » de certains citoyens qui continuent d’applaudir avant de comprendre, de suivre avant d’observer et qui accordent leur confiance avec ne telle aisance qu’on se demanderait si ils sont au courant des drames du passé.
