L’ONU a récemment pointé du doigt la « violence persistante » et les « pressions financières » dont souffrent les Palestiniens.
« La perspective d’une paix durable s’estompe de jour en jour, à mesure que le spectre de la violence et de la radicalisation se développe ». L’envoyé spécial des Nations unies (ONU) au Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, n’a pas caché son exaspération, mercredi dernier, face au Conseil de sécurité, qui se réunissait pour traiter, notamment, de la question israélo-palestinienne. Embourbée, selon M. Mladenov, dans la « réalité [du] terrain [qui] érode systématiquement la viabilité de la solution à deux Etats », alors que « les extrémistes ont de nouveau le vent en poupe et le risque de guerre continue de peser lourd », selon lui.
« Détérioration de la situation économique »
L’envoyé spécial d’établir une liste des freins actuels à la pacification des relations entre Tel-Aviv et Ramallah. Avec, en premier lieu, « les mesures unilatérales, la violence persistante, les pressions financières et l’absence de progrès sur la voie de la paix », qui pèsent lourdement sur la société palestinienne, a-t-il affirmé. La semaine dernière, les autorités israéliennes ont par exemple décidé de geler une aide financière à destination de l’Autorité palestinienne, pour protester contre les allocations que cette dernière verse aux familles de prisonniers palestiniens, considérés par l’Etat hébreu comme des terroristes.
Tandis qu’en 2018, Ramallah avait enregistré un déficit budgétaire d’environ 1,04 milliard de dollars – dont plus de 60 % couvert par l’aide internationale -, « ce déficit devrait augmenter en 2019 en raison du retrait de fonds importants et de la détérioration de la situation économique », a indiqué l’ONU dans un communiqué. Que ce soit en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, sous blocus israélo-égyptien depuis plus de 10 ans, l’économie palestinienne connait effectivement une trajectoire déclinante – avec, par exemple, 30,2 % de chômage, dont 49,1 % à Gaza -, due en grande partie à l’arrêt de l’aide américaine.
Dont les effets, sur le terrain, ont commencé à se faire sentir. Selon la sous-secrétaire générale aux affaires humanitaires de l’ONU, Ursula Mueller, la situation humanitaire dans les territoires palestiniens occupés, et en particulier dans la bande de Gaza, a connu une franche « détérioration » l’an dernier. Alors que l’enclave palestinienne fait face à « une augmentation du nombre de victimes liées aux manifestations à la frontière [entre Gaza et Israël, lieu où se rassemblent tous les vendredis des centaines de Gazaouïs pour la « marche du retour », ndlr] », son système de santé « risque de s’effondrer », selon elle.
Violence exacerbée des deux côtés
Dans son Bulletin humanitaire pour janvier 2019, le Bureau onusien pour les affaires humanitaires (OCHA) en Palestine a relevé que cette « vulnérabilité humanitaire des Palestiniens, du fait des politiques et pratiques israéliennes concernant les colonies de peuplement, a été exacerbée par un certain nombre d’événements survenus en janvier ». Comme, par exemple, la « descente » effectuée par quelques colons israéliens dans le village d’Al Mughayyir, près de Ramallah, après avoir quitté l’ « avant-poste » de la colonie d’Adei-Ad, le 26 janvier dernier. Bilan : un Palestinien de 38 ans tué et 9 autres blessés.
Dans le jargon israélien, qui opère une distinction entre colonies légales et illégales – là où le droit international n’y voit que de l’illégalité -, l’ « avant-poste », qui appartient à la seconde catégorie, permet à l’Etat hébreu de « vider » certaines zones du territoire occupé pour en faire des « bases de sécurité », explique Dominique Vidal (1), journaliste et historien. Ces zones, en revanche légales tant qu’Israël n’y effectue pas de transfert de « population occupante », permettent à Tel-Aviv « d’entretenir un flou artistique sur le statut de la Cisjordanie, toujours colonisée mais jamais formellement annexée ».
Mais un flou de moins en moins abstrait. Selon l’OCHA, le gouvernement israélien a approuvé, en décembre dernier, un projet de loi visant à accélérer la « légalisation » rétroactive d’une partie des 100 avant-postes d’ici 2 ans. Ajoutant au blocage actuel de la situation israélo-palestinienne une dose de provocation qui ne fera vraisemblablement qu’exacerber la violence, aussi bien côté israélien que côté palestinien. Le 11 février dernier, Nickolay Mladenov déplorait d’ailleurs l’assassinat par un Palestinien d’une jeune Israélienne de 19 ans, à Jérusalem, ainsi que le meurtre de deux enfants gazaouis par l’armée israélienne.
(1) Dominique Vidal, « L’annexion de la Cisjordanie est en marche », Le Monde diplomatique. Manière de voir, février-mars 2018, p. 34.
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