Au Soudan, une fenêtre vient de s’ouvrir pour une trêve nécessaire

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21.05.2023

Un cessez-le-feu d’une semaine vient d’être signé entre les deux parties belligérantes. Combien de temps tiendra-t-il ?

« « J’ai cru que j’étais foutue ». J’ai dit à mon fils : « Je suis partie » ». Pauline Hungwe s’est blottie dans la salle de bain de son appartement, au Soudan, terrifiée par les combats qui sévissent depuis plus d’un mois à présent. Tout ce qu’elle pouvait faire : jeter un coup d’œil, de temps en temps, par la fenêtre, juste pour voir les murs des immeubles voisins se désintégrer sous l’effet des tirs d’artillerie.

« Afflux de réfugiés et de déplacés internes »

Des témoignages comme celui de cette jeune femme, l’agence de presse américaine Associated Press (AP) en partage régulièrement. Des témoignages d’habitants du Soudan convaincus qu’ils sont les prochains à « partir ». Comme celui d’Owen Shamu, un enseignant qui préparait un examen dans une école de Khartoum, la capitale, tandis que des coups de feu ont retenti à quelques mètres de leur salle de classe.

Aujourd’hui, le Soudan, ce sont plus d’un million de personnes déplacées, selon l’agence des Nations unies (ONU) pour les réfugiés (HCR), qui a publié ce chiffre vendredi dernier. De nombreux Africains fuyant le conflit on même dû attendre plus de trois semaines, pour certains, avant de pouvoir quitter le pays, sans compter les nombreuses difficultés auxquelles ils ont dû faire face en chemin.

Sur le million de personnes déplacées, 843 000 individus l’ont été à l’intérieur des frontières du Soudan, et environ 250 000 ont pu fuir au-delà des frontières du pays, a déclaré Matthew Saltmarsh, le porte-parle du HCR, lors d’un point presse. D’après lui, les civils fuyant vers l’Égypte, le plus grand pays d’accueil, ne cesse d’augmenter (environ 5 000 arrivées par jour, selon le HCR). Plus de 110 000 Soudanaises et Soudanais s’y trouveraient actuellement.

« Face à cet afflux de réfugiés et de déplacés internes, le HCR lance un appel urgent pour assurer la sécurité des civils et permettre à l’aide humanitaire de circuler librement au Soudan », annonce le site ONU Info. D’autant qu’à l’intérieur des frontières soudanaises, « les gens bravent le danger, quittant notamment Khartoum, le Darfour et d’autres zones peu sûres », a indiqué le porte-parole du HCR.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), de son côté, a expliqué lors d’un point presse à Genève que « les affrontements entre les Forces armées soudanaises et les paramilitaires des Forces de soutien rapide ont fait au moins 705 morts (dont 303 à Khartoum) et 5 287 blessés depuis le début des combats, selon les données compilées le 16 mais par le ministère fédéral de la Santé à la date du 11 mai ».

Discrète communauté internationale

Si les évacuations de personnes au Soudan ont lieu pendant les cessez-le-feu entre les parties belligérantes, ces derniers sont « très précaires », estime Ryan Cummings, directeur de la société de conseil en sécurité Signal Risk, spécialisée dans l’Afrique. Même si, récemment, un petit espoir de voir une trêve enfin respectée vient de naître du côté de l’Arabie saoudite, où les belligérants sont regroupés pour discuter d’un accord de cessez-le-feu depuis plusieurs semaines.

Les représentants de l’armée dirigée, par le général Abdel Fattah al-Burhane, et des Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdane Daglo, ont en effet accepté un cessez-le-feu d’une semaine, selon les États-Unis et l’Arabie saoudite. Une trêve qui « pourrait être prolongée avec l’accord des deux parties », indique un document publié par le département d’État américain samedi soir.

Selon ce dernier, les deux parties ont « convenu de faciliter la livraison et la distribution de l’aide humanitaire, de rétablir les services essentiels et de retirer les troupes des hôpitaux et des infrastructures publiques essentielles ». Elles ont également « fait part […] de leur engagement à ne pas chercher à obtenir d’avantage militaire pendant la période de notification de 48 heurs après la signature de l’accord ».

Réelle intention des belligérants de faire le nécessaire pour panser les plaies d’un Soudan exsangue ou simple intention de façade ? L’avenir nous le dira. En attendant, des pourparlers ultérieurs devraient se concentrer sur des mesures supplémentaires nécessaires à l’amélioration de la sécurité et des conditions humanitaires pour les civils. Une gageure, tant on sait que les trêves annoncées par le passé ont pu être (aisément) transgressées.

« Il est bien connu que les parties ont précédemment annoncé des cessez-le-feu qui n’ont pas été respectés », ont d’ailleurs reconnu Washington et Riyad. Mais contrairement aux précédents, l’accord conclu à Jeddah a été signé par les parties et devrait être appuyé par un mécanisme de surveillance du cessez-le-feu soutenu par les États-Unis, l’Arabie saoudite et la communauté internationale. Assez discrète pour l’instant…

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