Le mouvement « Mouwatana » appelle à une « manifestation de la dignité », dimanche à Alger, pour protester contre le président.
On se souviendra longtemps de ce 22 février 2019, historique, en Algérie, où la population a fait preuve de courage et de civisme, en marchant pacifiquement contre le 5ème mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Et ce malgré l’interdiction officielle de toute forme de manifestation depuis 2001.
Un poster géant de Bouteflika décroché
Sur les banderoles brandies par les protestataires, on pouvait lire : « L’Algérie n’est pas un royaume, non au 5ème mandat », ou encore « Nous refusons d’être gouvernés par un cadre », en référence à la photo de Bouteflika utilisée par ses fervents supporters lors de la campagne présidentielle, sans présence physique du concerné, cloué dans un fauteuil roulant depuis 2013 suite à un AVC.
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Cette journée ne marque pas pour autant le début des manifestations, qui ont éclaté il y a quelques jours, un peu partout sur le territoire national, à Bejaia, Skikda, Annaba et Khenchela, dans l’est algérien. Où un poster géant du président de la République, accroché sur la façade de la mairie à côté d’un grand drapeau algérien, a fini par être décroché, sous la pression de l’imposante foule rassemblée en soutien à Rachid Nekkaz, candidat lui aussi à la présidentielle. Le maire de Kenchela, Kamel Hachouf, fervent supporter du 5ème mandat de Bouteflika, a d’ailleurs été suspendu, mardi 19 février, par le wali, le haut fonctionnaire d’Etat à la tête de la wilaya (région), pour ces dérapages.
Examens médicaux de routine
Pour rappel, plusieurs appels anonymes avaient été lancés sur les réseaux sociaux pour manifester contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika. Le pouvoir a réagi en coupant l’accès à Internet pour les citoyens. Si certains craignaient une récupération islamiste des manifestations organisées, la présence de quelques intrus criant « Allah Akbar » n’a pas perturbé l’ambiance, ni découragé les manifestants, habitués, maintenant, aux tentatives de dissuasion d’un régime adepte de la théorie de la peste ou le choléra, qui a longtemps tenté d’étouffer les envies de rébellion.
« Aujourd’hui je me suis sentie à nouveau fière d’être Algérienne, je me sens prête à ressortir et à investir la rue à nouveau pour empêcher la mascarade du 5ème mandat », nous confie effectivement Amel, 29 ans.
Malgré l’ambiance bon enfant des manifestations, en fin de journée, des heurts ont tout de même éclaté entre les autorités et les protestataires, qui se dirigeaient vers le bureau de la présidence de la République. Un cordon de police et des tirs de gaz lacrymogène les ont d’abord tenus à distance. Avant que les manifestants ne répliquent par des jets de projectiles et de pierres. Un autre mouvement de protestation doit avoir lieu dimanche à Alger, initié par le mouvement citoyen Mouwatana, essentiellement composé de jeunes, créé en juin 2018 pour contrer, déjà, le président sortant. Le même jour, selon la présidence, Abdelaziz Bouteflika doit se rendre en Suisse, pour des examens médicaux de routine, alors qu’il ne s’est pas adressé à son peuple depuis plusieurs années…
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Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.