A l’occasion de l’exposition Toutankhamon qui s’ouvre le 23 mars à Paris, retour sur une fascination qui dure depuis près d’un siècle.
« Les relations entre l’Egypte et la France sont longues et anciennes », rappelait en septembre dernier l’ambassadeur d’Égypte en France, Ehab Ahmed Badawy. Cinquante ans après une première exposition parisienne qui avait marqué son époque, le plus célèbre des pharaons revient envouter Paris par l’intermédiaire de son fabuleux trésor. A l’occasion de l’exposition Toutankhamon qui s’ouvre le 23 mars à la Grande Halle, retour sur une fascination qui dure depuis près d’un siècle.
Fabuleux trésor
« La présentation du trésor de Toutankhamon à Paris, fin mars, sera l’apogée de cette année culturelle », déclarait récemment l’ambassadeur d’Égypte dans une interview pour Jeune Afrique. Pour lui, l’année culturelle France-Égypte « doit mettre en valeur les patrimoines culturels égyptien et français« . Impossible donc pour la France de passer à côté de l’Egypte antique et de ses grandes figures, à la frontière entre l’histoire et le mythe.
Car Toutankhamon aurait pu être un pharaon parmi d’autres. Le rejeton lambda d’une lignée de souverains vénérés comme des dieux qui régna sur l’Egypte pendant plus de trois mille ans. Il n’avait ni la solennité biblique de Ramsès II, ni l’aura révolutionnaire de son père Akhénaton, ni le glamour de Nefertiti. Sans parler du charme vénéneux prêté à sa lointaine héritière Cléopâtre. Pourtant, trois mille ans après sa mort, Toutankhamon reste le plus célèbre des fils d’Egypte.
C’est peu dire que son règne de dix ans n’est pas pour grand-chose dans l’empreinte qu’il exerce sur les esprits. Principal fait d’armes de ce souverain monté sur le trône à l’âge de neuf ans après avoir, comme il se doit, épousé sa soeur : le rétablissement du culte des dieux anciens avec lequel avaient rompu ses parents au bénéfice du seul Aton, assimilé au disque solaire – un bref intermède monothéiste qui a eu le don de leur aliéner la caste des prêtres, lesquels ont vite fait de ramener le jeune Toutankhamon dans le droit chemin. Sa renommée, ce pharaon éphémère la doit avant tout au fabuleux trésor retrouvé dans son tombeau ainsi qu’aux événements mystérieux qui ont suivi cette découverte.
Ramené à la vie
Tout commence au début du siècle dernier avec le rêve d’un homme : Lord Carnarvon, un riche Britannique qui se prend de passion pour l’antiquité égyptienne à la suite d’un séjour au Caire – une égyptomanie courante chez les Européens d’alors, qui remonte à l’expédition de Bonaparte. Il décide alors de financer son compatriote Howard Carter pour qu’il fouille sans relâche le sol d’Egypte afin d’y découvrir des splendeurs ensablées. Pendant des années, l’archéologue va sonder la Vallée des Rois, persuadé qu’il va y faire une découverte retentissante. Au bout de huit ans, son mécène perd patience. Il accepte toutefois de lui accorder une ultime rallonge.
Le 4 novembre 1922, c’est le jackpot. Un porteur d’eau met à jour la première marche d’un escalier qui mène à une excavation. « Lorsque mes yeux s’habituèrent à la lumière, confia Carter, les détails de la pièce émergèrent lentement de la pénombre, des animaux étranges, des statues et de l’or, partout le scintillement de l’or ». En tout, l’explorateur découvrira près de cinq mille objets funéraires, pour beaucoup en or, un trésor fabuleux demeuré intact depuis l’inhumation de son propriétaire. Le propriétaire en question repose dans cinq coffrets funéraires et trois sarcophages, sa tête momifiée sous son célèbre masque. Le monde découvre Toutankhamon. Carter et Carnarvon exultent. C’est la première fois qu’une équipe d’archéologues occidentaux pénètre dans une tombe de pharaon laissée inviolée par les pilleurs de tombes.
C’est là que les choses se gâtent. Enfin, c’est ce que dit la légende montée en épingle par la presse de l’époque. Le premier à succomber à la malédiction est… le canari de Carter, qui meurt dévoré par un cobra. Tout un symbole. Puis, c’est le Lord qui rend l’âme. Au même moment, les lumières s’éteignent au Caire. Plus tard, au moment d’analyser la momie, le scanner tombe en panne. Il n’en faut pas plus pour lancer le mythe du pharaon vengeur. En 1932, dix ans après la découverte de Carter, sort le film La Momie, dans lequel un pharaon incarné par l’impavide Boris Karloff poursuit de sa vindicte ceux qui ont osé troubler son sommeil. Tout comme Toutankhamon fut accusé de semer la mort parmi ceux qui l’avaient, d’une certaine manière, ramené à la vie pour l’éternité.
Dangereux somnambule
Comment est-il mort ? En 2013, une équipe britannique a défendu sans emporter l’adhésion générale la thèse d’un grave traumatisme après avoir été percuté par un char. A moins qu’il n’ait succombé sous les sabots d’un cheval, ou des séquelles consécutives à la charge d’un hippopotame, accident de chasse courant pour l’époque. Aujourd’hui encore, le mystère demeure.
C’est dans cette histoire nimbée de mystère que propose de plonger l’exposition organisée à la Villette jusqu’au 15 septembre. Cent cinquante objets, dont un tiers n’a jamais quitté l’Egypte, livrés à la contemplation des Parisiens dans le cadre d’une exposition itinérante voulue par les autorités égyptiennes. Des dizaines de bracelets, pendentifs et pierres précieuses. Des meubles enterrés avec le défunt pour son plus grand confort. Des statuettes dotées de tous les outils nécessaires pour qu’il n’ait pas à travailler pendant son repos éternel. Et plusieurs statues à l’effigie de l’enfant-roi, dont le sourire angélique cacherait, dit-on, l’âme d’un dangereux somnambule.
