Les Saoudiens ont-ils piraté le téléphone du patron d’Amazon ?

Les faits remontent à 2018 et pourraient relancer les enquêtes sur l’implication de « MBS » dans le meurtre de Jamal Khashoggi.

Les faits pourraient être de nature à relancer les enquêtes dans l’affaire du meurtre de Jamal Khashoggi. Deux experts indépendants des Nations unies (ONU) ont demandé, mercredi, une enquête sur les allégations selon lesquelles le prince héritier d’Arabie saoudite aurait participé au piratage du téléphone de Jeff Bezos, le patron de la multinationale américaine Amazon. Agnès Callamard, rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires et les exécutions extrajudiciaires, et David Kaye, rapporteur spécial onusien sur la liberté d’expression, se sont dit très préoccupés par les informations reçues, suggérant qu’un compte WhatsApp appartenant à Mohamed ben Salman (dit « MBS »), en mai 2018, a déployé un logiciel espion permettant de surveiller Jeff Bezos, avec qui il avait échangé son numéro de téléphone le mois précédent.

« Les informations que nous avons reçues suggèrent l’implication possible du prince héritier dans la surveillance de M. Bezos, dans le but d’influencer, sinon de faire taire, les reportages du Washington Post [qui appartient au patron d’Amazon, ndlr] sur l’Arabie saoudite », ont déclaré Mme Callamard et M. Kaye. Dans un article sur le sujet, ONU Info a également indiqué que « ces allégations renforcent d’autres informations signalant un schéma de surveillance ciblée d’opposants présumés et de ceux qui revêtent une importance stratégique plus large pour les autorités saoudiennes, y compris des nationaux et des non-nationaux ».

Industrie de la surveillance

Selon les deux rapporteurs spéciaux, ces informations et allégations renforcent la nécessité de conduire une enquête plus approfondie sur le rôle de Mohamed ben Salman dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018, au consulat saoudien d’Istanbul. Si Riyad – qui dément avoir piraté le smartphone de Jeff Bezos – a admis sa responsabilité dans l’affaire, le prince héritier, qui aurait ainsi souhaité faire taire une voix discordante et critique à l’égard du royaume saoudien – dont il dénonçait le conservatisme dans ses articles pour le Washington Post, où il bénéficiait d’une tribune -, n’a pour l’instant jamais été personnellement inquiété – juridiquement en tout cas.

Photo ONU/Rick Bajornas/Loey. Filipe David Kaye, rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'expression, et Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions sommaires et les exécutions extrajudiciaires.

« Le piratage du téléphone du patron d’Amazon s’est produit de mai à juin 2018, une période au cours de laquelle les téléphones de deux proches collaborateurs de Jamal Khashoggi, Yahya Assiri et Omar Abdulaziz, ont également été piratés, en utilisant apparemment le logiciel malveillant Pegasus », a indiqué Onu Info. Celui-là même, selon Le Monde, qu’auraient utilisé les autorités saoudiennes dans d’autres cas de surveillance. Les deux rapporteurs spéciaux, qui officient à titre indépendant, donc en dehors du cadre du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, ont indiqué qu’ils comptaient poursuivre leurs enquêtes sur la responsabilité du meurtre de Jamal Khashoggi. Ainsi que sur le rôle croissant de l’industrie de la surveillance, qui permet l’utilisation de logiciels espions « pour intimider les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme et les propriétaires de médias ».

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