L’appel à la trêve sanitaire lancé par huit pays est restée lettre morte sur le territoire dévasté.
Cette pression diplomatique portée entre autres par la France, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne, est pour l’instant insuffisante, c’est un euphémisme. La communauté internationale redoute en effet une prolifération rapide du nouveau coronavirus en Libye. Et pour cause, les combats au sud de Tripoli ont redoublé d’intensité, chaque partie accusant l’autre de vouloir profiter de la situation qu’impose le Covid-19 pour réaliser des avancées, relaie RFI.
Une trêve qui n’en a que le nom
Le média précise que les forces de Khalifa Haftar ont réussi mercredi 18 mars « (une percée) sur le flanc d’Ain Zara. De leur côté, les forces fidèles au gouvernement d’Union nationale (du Premier ministre, Fayez al-Sarraj), ont aussitôt repris leurs positions. Au final, les deux parties s’accusent mutuellement de violer la trêve du 12 janvier et se donnent le droit de riposter à l’artillerie lourde ».
Pire, l’arrivée de combattants étrangers sur le sol libyen ne fait que renforcer les risques de contamination liés au virus. A ce titre, « le gouvernement d’Union nationale a accusé cette semaine le maréchal Haftar d’avoir introduit tout récemment des mercenaires et des experts syriens et d’autres nationalités à Benghazi. (A contrario), du côté de Khalifa Haftar, on affirme que le nombre de mercenaires syriens envoyés par la Turquie en Libye dépasse les 6 000. Les deux parties ont (donc) appelé l’ONU à prendre note de ces violations de l’embargo sur les armes imposé (sur le territoire) ».
Ghassan Salamé a fini par craquer
Il est d’ailleurs important de rappeler que l’ex-émissaire spécial de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, était totalement opposé aux violations internationales concernant l’embargo sur les armes touchant cet Etat vampirisé par les luttes intestines. Avec, d’un côté, le gouvernement d’union nationale (reconnu par les Nations unies) mené depuis Tripoli par le Premier ministre, Fayez al-Sarraj, et de l’autre, le maréchal Haftar, détenteur des champs pétroliers nationaux et qui se montre également très gourmand territorialement. L’intéressé étant déterminé à reprendre la main sur la capitale, via des frappes aussi violentes qu’irrégulières.
Face à ce marasme, Ghassan Salamé était logiquement monté au créneau début septembre devant le Conseil de sécurité pour obtenir des résultats concrets dans cette équation particulièrement complexe. Et cela en raison des habituels intérêts divergents de l’échiquier mondial dans ce genre de dossier.
Partie d’échec
A ce titre, Khalifa Haftar bénéficie d’appuis à différents niveaux de la part de l’Egypte, de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de la Russie, de la France ou encore des Etats-Unis. Alors que Fayez al-Sarraj est soutenu, entre autres, par le Qatar et la Turquie. Sa survie dépendant de milices proches de la confrérie islamiste des Frères musulmans, ce qui explique qu’il soit épaulé par Doha ou encore Ankara, soulignent Les Echos. Quant à Paris et Rome, ces derniers continuent de maintenir une position diplomatique quelque peu schizophrène.
Une population terrorisée
« De nombreux Libyens se sentent abandonnés par une partie de la communauté internationale et exploités par d’autres », avait alors fustigé l’émissaire, lors d’une liaison vidéo avec l’institution new-yorkaise.
Avant de poursuivre : « Sans un soutien sans équivoque de ce Conseil et de la communauté internationale dans son ensemble, deux scénarios très désagréables (sont à craindre). D’une part, la poursuite d’un conflit persistant et de faible intensité, d’autre part une intensification des soutiens militaires à l’une ou l’autre partie qui plongerait l’ensemble de la région dans le chaos. Or l’idée de donner une chance à la guerre, et qu’une solution militaire est possible, représente une chimère. »
Un duel européen franco-italien
Et pour cause, alors que la France milite depuis des mois, et sans succès, pour l’organisation d’élections anticipées en Libye (législatives et présidentielle), force est de constater que la situation politique de la patrie de l’ex-dictateur Kadhafi reste un désastre difficilement soluble dans l’immédiat.
D’autant plus que Rome a profité de la brèche pour s’inviter doucement mais surement à la table des négociations. Pourquoi ? Car la Libye reste un pion central dans la région méditerranéenne. Notamment en ce qui concerne la problématique migratoire, véritable cauchemar pour l’exécutif de la Botte. Ainsi, si l’ex-ministre de l’Intérieur italien s’est contenté dans un premier temps de tirer à boulets rouges sur la France – considérant que Paris n’agissait que pour ses propres intérêts – Matteo Salvini a fini par obtenir en novembre 2018 l’organisation d’une conférence sur la Libye à Palerme (Sicile). Une session qui, au final, s’est avérée peu fructueuse et particulièrement décousue.
Des civils pris dans l’étau
Pour information, les combats aux abords de Tripoli ont fait plus de 1000 morts depuis le 4 avril. Mais ont aussi engendré plus de 120 000 déplacés, déplore l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Face à ce terrible bilan, le Bureau onusien des affaires humanitaires (OCHA) confirme malheureusement que « beaucoup de civils pris au piège dans les zones de conflit font face à un dilemme : rester chez eux ou partir en raison de l’incertitude des affrontements. Un (choix de Sophie) aggravé par le fait que l’approvisionnement en nourriture et autres produits de première nécessité est en train de s’effondrer dans certains quartiers ».
Une terrible problématique que renforce désormais drastiquement la menace covid-19…
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