Cessons de jouer avec la vérité en Syrie

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23.04.2018

Sur le dossier des armes chimiques, entre le régime syrien et les Occidentaux, c’est un « parole contre parole » néfaste qui se joue.

La guerre de l’information n’est pas propre à notre temps. Il bruisse çà et là qu’Internet et les nouvelles technologies nous auraient enseigné l’art du mensonge, en politique comme en d’autres matières. C’est faux. L’être humain a toujours su flirter avec lui, franchissant la ligne et s’éloignant de la vérité à sa guise, lorsqu’une fin impérieuse le lui commandait. Les temps de guerre, peut-être plus que d’autres – eu égard aux conséquences politiques, économiques, mais également en termes de vies humaines -, raffolant de ces jeux de dupes, où il n’existe plus aucune vérité, mais autant qu’il y a de belligérants. La seule différence, entre hier et aujourd’hui, réside peut-être dans l’affirmation suivante : la vérité, en ce qu’elle consubstantielle à la paix, nous est chère – sinon, nous n’aurions pas installé tant d’acteurs pour la traquer.

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Aujourd’hui sous le feu des projecteurs syriens, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) fait partie de cette flottille de pêche à la vérité, toute la vérité et rien que celle-ci. Son objectif : déterminer si oui ou non des armes chimiques ont été utilisées dans la Ghouta orientale, à Douma, le 7 avril dernier. Ni plus, ni moins. Samedi, des experts y ont ainsi prélevé des échantillons, qu’ils enverront au siège de l’organisation, à La Haye (Pays-Bas) pour analyse. Et une « autre visite pourrait être effectuée à Douma » a même déclaré l’OIAC dans un communiqué. Dont le travail avait été retardé pendant une semaine environ, pour raisons de sécurité, selon Moscou, accusée aussitôt par les Occidentaux – Etats-Unis en tête – de vouloir empêcher les inspecteurs de se rendre sur les lieux des attaques chimiques présumées.

Mensonge contre mensonge

Lorsque nous avions interrogé, au mois de février dernier – après d’autres attaques présumées -, certains des responsables de l’OIAC, ceux-là nous l’avaient bien précisé : le travail de l’organisation n’est pas de dire qui se serait rendu coupable d’attaques chimiques, mais d’affirmer clairement si celles-ci ont bien eu lieu. Comme si de la neutralité pouvait indéniablement découler la vérité. Et c’est, semble-t-il, le cas. Pour l’instant, les arguments et croyances d’un camp répondent à ceux de l’autre ; Syriens et Russes réfutant toute attaque chimique du régime de Bachar al-Assad, quand Américains et Français affirmant avoir les preuves de telles actions. Emmanuel Macron le répétait encore le 12 avril dernier lors d’une interview : « Nous avons la preuve que des armes chimiques ont été utilisées par le régime de Bachar al-Assad » avait-il lâché.

Ce à quoi la diplomatie russe, principal soutien de Damas, s’était égosillée à répondre, de concert avec M. Al-Assad, que de telles attaques vis-à-vis du peuple syrien seraient ignobles, et qu’il était hors de propos qu’il en soit ainsi. En février dernier, toujours, Marie Peltier, historienne et spécialiste de la Syrie, nous avait confié que « l’enjeu, aujourd’hui, est moins celui de la bataille de la reconstruction que celui de la bataille de l’information » en Syrie. Celle-ci de dénoncer à l’époque les manœuvres du régime, qui mêlait propagande et vérité subjectivée pour sauver la face. Ironie (tragique) du sort, le contradicteur le plus virulent sur les réseaux sociaux des Syriens et Russes n’est autre que Donald Trump, grand manitou de la fake news et du mensonge éhonté. Mais les résultats de l’enquête de l’OIAC seront une première étape bienvenue vers la vérité. Qui discréditera forcément une partie.

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