Israël de nouveau pointé du doigt pour son recours à la force

« En Cisjordanie, la gâchette est très facile et les Palestiniens sont coupables jusqu’à preuve du contraire ».

Quelques heures après que les soldats israéliens ont abattu Oussama Mansour, un Palestinien, à un poste de contrôle temporaire en Cisjordanie occupée, l’armée a annoncé qu’elle avait déjoué un attentat à la voiture piégée. Sans que les faits ne paraissent concorder, d’après l’agence américaine Associated Press (AP).

Selon toute vraisemblance, Oussama Mansour avait d’abord arrêté sa voiture lorsqu’on le lui avait ordonné. Sa femme, la mère de ses cinq enfants, était assise sur le siège passager. Et après avoir arrosé le véhicule de coups de feu, le tuant et la blessant, les soldats ont refusé de l’arrêter en tant que complice.

Des témoins affirment que les soldats ont tué le conducteur sans raison apparente, celui-ci venant allonger la liste des Palestiniens morts sous les tirs des membres de Tsahal, dans l’opacité de circonstances douteuses, rappellent les groupements de défense des droits des Palestiniens. Qui n’hésitent pas à faire le rapprochement avec la conduite de certains policiers américains vis-à-vis de la population noire américaine.

Série d’attentats

La condamnation, cette semaine, de Derek Chauvin, ancien policier de Minneapolis (Minnesota), pour le meurtre de George Floyd, dont la police avait initialement déclaré qu’il était mort à la suite d’un « incident médical » au cours d’une « interaction avec la police », a attiré l’attention sur – remettant en question – l’exactitude des déclarations officielles concernant ces « rencontres mortelles ».

Dans sa déclaration initiale, l’armée israélienne a effectivement déclaré que le véhicule avait accéléré « d’une manière qui a mis en danger la vie des soldats », et que les soldats ont ouvert le feu pour « contrecarrer la menace ». Des propos sur lesquels l’armée israélienne est revenue, déclarant que ladite fusillade faisait désormais l’objet d’une enquête – sans donner plus de détails.

Une porte-parole de l’armée a ainsi refusé de répondre aux questions détaillées sur l’incident soumises par AP, notamment pour savoir si l’armée pensait toujours avoir déjoué une attaque. Ces dernières années, les Palestiniens ont commis une série d’attentats à l’arme blanche, de fusillades et d’attaques à la voiture piégée, qui ont tué ou blessé des soldats et des civils israéliens.

Spectacle courant

Les postes de contrôle militaires, en Cisjordanie, sont des cibles fréquentes. Israël s’est emparé de la Cisjordanie lors de la guerre de 1967, et les Palestiniens veulent qu’elle constitue la partie principale de leur futur État. Les défenseurs de l’armée affirment que les soldats doivent prendre des décisions en une fraction de seconde, dans des situations de vie ou de mort.

Somaya, la veuve du conducteur abattu, raconte que son mari l’avait emmenée voir un médecin aux premières heures du 6 avril. Sur le chemin du retour vers leur village natal de Biddu, ils ont traversé le village de Bir Nabala, juste à l’extérieur de Jérusalem. Où ils ont vu des troupes israéliennes et des jeeps blindées face à eux – un spectacle courant en Cisjordanie occupée.

Selon elle, deux soldats se sont approchés de la voiture avec leurs fusils pointés sur eux. L’un d’eux a ordonné à Oussama de couper le contact, ce qu’il a fait. Le soldat leur a ensuite demandé d’où ils venaient et ce qu’ils faisaient, et ils lui ont répondu. Avant de redémarrer la voiture, d’avancer, et d’être finalement pris sous le feu des soldats israéliens, indique-t-elle.

Droit international

L’association israélienne de défense des droits humains B’Tselem affirme avoir interrogé deux témoins, qui ont largement corroboré son récit. Roy Yellin, un porte-parole du groupe, a déclaré que le fait que Somaya n’ait pas été arrêtée indique fortement que l’armée ne pensait pas qu’il s’agissait d’une attaque. Elle a été convoquée pour un interrogatoire la semaine prochaine, mais rien n’indique qu’Israël la considère comme suspecte.

B’Tselem a recensé plusieurs incidents similaires, ces dernières années, au cours desquels les forces israéliennes ont déclaré avoir ouvert le feu pour empêcher des attaques à la voiture piégée, tuant ou blessant des Palestiniens, pour ensuite revenir sur leurs déclarations sans procéder à des arrestations ou porter plainte. « En Cisjordanie, la gâchette est très facile et les Palestiniens sont coupables jusqu’à preuve du contraire », a déclaré M. Yellin.

Le droit international et les règles d’engagement de l’armée israélienne disposent que la force létale peut être utilisée dans les situations où la vie est en danger. Mais les groupes de défense des droits affirment qu’Israël ne respecte souvent pas cette norme et punit rarement les actes répréhensibles commis par ses forces de sécurité. B’Tselem dit avoir cessé de transmettre de tels cas aux autorités militaires en 2016. Tel-Aviv ne poursuivant les actes répréhensibles qu’en cas (rare) de preuves accablantes selon l’organisation.

 

Crédits photo : Somaya, l’épouse du Palestinien Osama Mansour abattu par des soldats israéliens, à un poste de contrôle temporaire en Cisjordanie occupée, au début du mois, s’entretient avec des journalistes dans la maison de sa famille, dans le village cisjordanien de Biddu, à l’ouest de Ramallah, mardi 20 avril 2021 (AP Photo/Nasser Nasser).

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