La question est double. Sa dualité la rend irrésolvable. C’est précisément pour cette raison qu’elle doit se poser. A moitié.
« Et si on passait à autre chose ».
Ce n’est pas la qualité première des relations internationales – elles sont affaire humaine. Mais tentons l’honnêteté. Juste un peu. Comme ça. Pour voir. En toute honnêteté, donc, combien de fois a-t-on entendu la question. « Et si on passait à autre chose ». Sur les dernières années. Combien. Un certain nombre. Soyons honnêtes toujours. Et depuis quelques jours. Combien de fois. Allez. Un simple ajustement des lorgnons suffit pour la deviner, cette question. Partout. En sous-texte – plus ou moins explicite. En annexe aussi. En annexe surtout. « Et si on passait à autre chose ». Comment ne pas la lire, cette question, dans quelque décision de justice. Fondée sur quelque loi discriminatoire. Qui autoriserait quelque individu – mais pas d’autres, donc – à reprendre possession d’un bien immobilier. Prétexte : il aurait appartenu à quelque ancêtre, il y a plusieurs décennies. Beaucoup de quelque. Peu de légitimité. Point d’honnêteté non plus dans les affaires intérieures – elles sont relations humaines. « Et si on passait à autre chose ». Dans la bouche des psalmodieurs – quelle que soit la couleur de leur soutane ou de leur cravate –, ça donne : et si on oubliait que la justice des Hommes peut être pire que la divine ; et si on faisait comme si l’injustice ne souffrait pas de la même comparaison ; et si on fermait les yeux – juste pour voir, toujours.
« Et si on passait à autre chose ».
Cette question, pourtant, mérite d’être posée. Contrairement à la précédente. Bien qu’elle soit identique. Ou presque. Avec Hume, pour qui la religion n’est que « rêveries d’une humanité malade ». Avec Freud, également, pour qui « lorsqu’il s’agit de questions de religion, les hommes se rendent coupables de toutes les malhonnêtetés ». Malhonnêteté. Tiens tiens. On tentera simplement d’éviter les poncifs nietzschéen ou rousseauiste sur la mort de Dieu ou la propriété mère de toutes les inégalités. Et puisqu’ils viennent d’être posés, ces poncifs, tant pis : étirons-les tout de même. Ajoutons-y l’absence, très Feuerbach, « de différence entre les prédicats de l’être divin et les prédicats de l’être humain ». Et, tant qu’on y est – il est permis de rêver, tout de même –, offrons aux psalmodieurs contemporains un Voltaire. Pour poser leur cul. Mais pas que. Pour les raisonner – surtout. « Et si on passait à autre chose ». La terre, où qu’elle soit, n’a de promise que l’illusion. Très humaine illusion. Parce que divine. Ou l’inverse. Un mariage. Toute promesse est un mariage. Et si on divorçait. Pour se panser. Redevenir humain. Un peu. Et si on se pensait humain. Et si on ouvrait les yeux – juste pour voir, toujours.