Sahara occidental : le Front Polisario appelle l’Union européenne à discuter

Pour les représentants sahraouis, l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc sape les efforts de paix dans le territoire.

Le Sahara occidental demeure plus que jamais un dossier accidenté. La semaine dernière, l’Union européenne (UE) et le Maroc, qui revendique depuis plus de quarante ans la souveraineté du territoire nord-africain – non autonome selon les Nations unies (ONU) -, ont renouvelé leur accord de pêche. Et, comme attendu, le texte englobe les « eaux territoriales » sahraouies, ce qui n’a pas manqué de déclencher la colère de certains responsables. Le ministre sahraoui délégué pour l’Europe, Mohamed Sidati, a affirmé hier que la Commission européenne « ne fait qu’encourager l’occupation marocaine du territoire sahraoui », estimant ainsi que l’UE mettait en jeu sa crédibilité. Même son de cloche chez le président de l’Autorité sahraouie du pétrole et des mines, Ghali Zubair, qui a qualifié l’intégration du Sahara occidental dans l’accord d’ « immorale », car s’opposant aux principes européens de démocratie et de respect du droit des peuples.

Dialogue

Leur déception est d’autant plus importante qu’en février dernier, la Cour de justice de l’UE (CJUE) estimait que l’inclusion du territoire dans un accord commercial « enfreindrait plusieurs règles du droit international, notamment le principe d’autodétermination ». Avant cela, les juges européens avaient exigé, dans un arrêt du 21 décembre 2016, que le Sahara occidental soit exclu de l’accord de libre-échange entre Bruxelles et Rabat. En l’espèce, pourtant, d’après le communiqué conjoint de l’UE et du Maroc, bien que le nouvel accord de pêche fasse explicitement référence aux « eaux sahraouies », il n’y a aucun préjudice à déplorer. Environ 70 navires battant pavillon européen pourront donc disposer d’une licence spécifique afin d’avoir accès aux eaux territoriales marocaines, incluant celles qui s’étendent au large du Sahara occidental. A charge pour eux d’embarquer entre 3 et 16 marins marocains à bord.

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La Commission européenne, qui avait annoncé qu’il était « possible d’étendre les accords bilatéraux avec le Maroc au Sahara occidental sous certaines conditions », a donc tenu parole. Ce qui a fortement déplu au Front Polisario. L’autorité, qui gouverne de facto le territoire, a indiqué dans un communiqué du ministère de l’Information condamner fermement la décision de l’UE et du Maroc. Qu’elle devrait attaquer dans la CJUE. Selon des responsables sahraouis, Bruxelles a tourné « le dos à la justice pour protéger des intérêts politiques et financiers à court terme et [entravé] les efforts de paix » au Sahara occidental. Ces derniers ont également exhorté les députés européens « à assumer toutes leurs responsabilités et à rejeter » l’accord décrié, qui n’a pas encore été ratifié par les Etats membres ni le Parlement européen. Un dialogue entre Bruxelles et le Front Polisario pourrait également voir le jour.

Médiations

« Il faut que les Etats membres de l’Union et les députés de son Parlement […] n’entérinent pas ce projet d’accord indigne [et] appellent l’Union à discuter avec le seul représentant légitime du peuple sahraoui, le Front Polisario, pour ce qui concerne ses ressources » a affirmé Mohamed Sidati, le ministre sahraoui délégué pour l’Europe. Reste à savoir si les Etats membres seront ou non disposés à dialoguer avec Bruxelles. Le 16 avril dernier, les Vingt-Huit avaient effectivement donné leur feu vert à la Commission pour renégocier l’accord de pêche avec le Maroc, en tenant compte, cependant, de la décision de la CJUE du 27 février 2018. Mais « quand on sait que les prises des bateaux européens dans les eaux sahraouies représentaient ces dernières années plus de 91 % du total des prises européennes négociées avec le Maroc », s’est indigné M. Sidati, pas sûr que les Etats membres acceptent de se ranger du côté du Sahara occidental.

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A l’inverse, au sein de l’Union africaine (UA), le dossier sahraoui semble avancer de manière plus favorable au Front Polisario. Lors du sommet de Nouakchott, dimanche 1er juillet dernier, les Etats membres ont eu à débattre d’un rapport sur le sujet du président de l’UA, Moussa Faki Mahamat ; une feuille de route synonyme de « mini-victoire pour le Front Polisario, car c’est la première fois que le Sahara occidental sera traité comme une affaire à part et non noyé dans les autres dossiers » notait avant la réunion Meriem Amella, envoyée spéciale du média France 24. Problème : le Maroc a toujours refusé la médiation de l’UA, tout comme son principal soutien dans l’affaire, les Etats-Unis, et préfère s’appuyer sur celle de l’ONU. Dont l’envoyé spécial pour le Sahara occidental, Horst Köhler, souhaiterait plutôt confier aux Etats africains le dossier. Qui a encore de beaux jours devant lui.

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