Le secteur de la santé libanais est l’une des victimes des multiples crises que connait le pays.
Trempés de sueur, des médecins examinent des patients allongés sur des civières dans la zone de réception du plus grand hôpital public du Liban. Les climatiseurs sont éteints, sauf dans les salles d’opération et les unités de stockage, pour économiser le carburant.
« Les médecins se démènent pour trouver des solutions de rechange aux solutions salines, l’hôpital n’en ayant plus. Les pénuries sont accablantes, le personnel médical est épuisé. Et avec une nouvelle recrudescence des cas de coronavirus, les hôpitaux libanais sont à un point de rupture », rapporte l’agence américaine Associated Press (AP).
Le secteur de la santé du « pays du Cèdre » est l’une des victimes des multiples crises qui ont plongé le Liban dans une spirale infernale – un effondrement financier et économique, aggravé par l’échec total du gouvernement, une corruption galopante et une pandémie qui ne faiblit pas.
L’effondrement est d’autant plus dramatique qu’il y a quelques années seulement, le Liban était un leader en matière de soins médicaux dans le monde arabe. Les riches et les célèbres de la région venaient dans ce petit pays du Moyen-Orient de 6 millions d’habitants pour tout, des grandes interventions hospitalières aux opérations de chirurgie plastique.
« Je veux aider mon peuple »
Ghaidaa al-Saddik, résidente de deuxième année, venait de rentrer d’une semaine de congé après une année épuisante. De retour en service depuis une semaine, elle a déjà intubé deux patients critiques aux urgences, tous deux âgés de 30 ans.
Elle se bat pour admettre de nouveaux patients, sachant à quel point l’hôpital est à court de fournitures, craignant d’être blâmée pour des erreurs et se demandant si elle fait de son mieux. On demande à de nombreux patients d’apporter leurs propres médicaments, comme les stéroïdes. D’autres sont renvoyés trop tôt, souvent chez eux, où les coupures de courant durent plusieurs jours.
La jeune femme de 28 ans passe plus de nuits dans les dortoirs du personnel à étudier car chez elle, elle n’a pas d’électricité. Elle a déménagé dans un appartement plus proche de l’hôpital qu’elle partage avec deux autres personnes pour économiser sur le loyer et le transport. Avec l’effondrement de la monnaie libanaise pendant la crise, son salaire a perdu près de 90 % de sa valeur.
Les résidents étant de moins en moins nombreux, elle doit maintenant faire la tournée d’une trentaine de patients, au lieu de 10. Son mentor, un virologue chevronné, a quitté le Liban – un exemple parmi tant d’autres de la fuite des cerveaux du corps médical. « Je veux aider mon peuple, dit-elle. Mais en même temps, qu’en est-il de moi pour devenir un meilleur médecin ? »
L’hôpital universitaire Rafik Hariri est le plus grand hôpital public du Liban et le numéro 1 du pays pour le traitement des patients atteints de coronavirus. À ce jour, le Liban a enregistré près de 590 000 infections et plus de 8 000 décès.
« Des pénuries de presque tout »
L’hôpital, qui dépendait de la compagnie d’électricité publique, a dû commencer à faire appel à des générateurs pendant au moins 12 heures par jour. Depuis lundi dernier, les générateurs sont la seule source d’énergie et fonctionnent sans interruption. La plupart du diesel de l’hôpital, vendu au marché noir à un prix cinq fois supérieur au prix officiel, est donné par des partis politiques ou des groupes d’aide internationale.
« Pour économiser le carburant, certaines chambres ne fonctionnent qu’avec des ventilateurs électriques dans la chaleur étouffante de l’été. Les ascenseurs de l’hôpital ne fonctionnent pas tous. La capacité des lits a été réduite d’environ 15 % et les urgences n’admettent que les cas potentiellement mortels », précise AP.
C’est une crise perpétuelle qui a laissé l’hôpital toujours au bord du gouffre, déclare son directeur, Firas Abiad, à l’agence américaine. Il y a « des pénuries de presque tout » selon cet homme qui, chaque jour, se bat pour obtenir davantage de carburant – l’hôpital ne dispose à tout moment que d’un approvisionnement de deux jours maximum.
Les étagères sont vides de médicaments, notamment pour les patients cancéreux et les dialyses. Une nouvelle cargaison de sérum sanguin ne durera que quelques jours. « Nous avons du mal à nous en sortir », résume Jihad Bikai, le chef des urgences. Il a récemment dû envoyer un patient critique dans un autre hôpital parce qu’il n’a plus de chirurgien vasculaire dans son personnel.
La crise financière du Liban, enracinée dans des années de corruption et de mauvaise gestion, s’est répandue dans les rues fin 2019, avec des manifestations antigouvernementales et des demandes de responsabilité. Depuis, les dirigeants politiques n’ont pas réussi à s’entendre sur un programme de redressement ni même sur un nouveau gouvernement – laissant le précédent dans un rôle d’intérimaire perpétuel mais déficient.
Crédits photo : Un médecin marche dans un couloir de l’hôpital universitaire Rafik Hariri, géré par le gouvernement, pendant une panne de courant à Beyrouth, au Liban, mercredi 11 août 2021 (AP Photo/Hassan Ammar).