Guerguerate : le Maroc tient son rang

En intervenant à Guerguerate afin de mettre fin au blocus du Polisario, le Maroc consolide son rôle de puissance régionale.

Les forces marocaines sont intervenues le vendredi 13 novembre pour déloger des miliciens du Front Polisario qui occupaient illégalement la zone tampon de Guerguerate, empêchant le trafic routier interrégional et créant, de par leur présence armée, une dangereuse brèche sécuritaire. Une opération pacifiste et légitime pour un pays qui entend s’affirmer comme la grande puissance militaire et économique régionale.

Loin de l’image de carte postale ensoleillée que le Royaume véhicule parfois dans les esprits occidentaux, et malgré les fortes inégalités auxquelles le pays fait face, tous les indicateurs démontrent qu’il s’impose comme un acteur incontournable de l’Afrique du Nord et, plus généralement, de l’Afrique tout entière.

Dans la dernière édition du classement annuel des plus grandes puissances militaires, le magazine américain US News & World Report attribue ainsi la première place au Maroc parmi les pays maghrébins, devançant la Tunisie, l’Algérie, la Libye et la Mauritanie. L’indice, qui évalue plusieurs axes — dont la force militaire, le budget consacré à la défense, les alliances internationales, l’influence économique, l’influence politique et le leadership —, sélectionne les 80 pays qui « dominent constamment les gros titres de l’actualité, préoccupent les décideurs politiques et façonnent les modèles économiques mondiaux ».

De fait, le Maroc est « devenu une véritable puissance, la porte de l’Afrique et un nouveau territoire de croissance convoité par les économies mondiales », selon la présidente de la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Miriem Bensaleh Chaqroun. Le Royaume s’impose ainsi comme la cinquième puissance économique africaine, selon le dernier classement de la Banque mondiale. Et, parmi les cinq premiers pays du continent, il est le seul dont le PIB n’a cessé de croître, culminant à 118,72 milliards de dollars en 2019.

Au contraire de pays comme l’Angola, l’Algérie ou le Nigeria, dont la crise sanitaire a souligné la dépendance vis-à-vis des produits pétroliers, le Maroc peut s’appuyer sur une économie diversifiée, le pays s’étant au cours des dernières années tourné vers des secteurs comme l’automobile, l’offshore ou l’aéronautique, tout en consolidant son leadership en matière de tourisme ou de services bancaires.

Les dangers de la brèche de Guerguerate pour la région

Une puissance régionale comme le Maroc peut-elle tolérer qu’une organisation paramilitaire s’accapare une zone stratégique placée sous son contrôle ? Le Royaume a répondu par la négative, et ce alors que depuis le 20 octobre une soixantaine de membres du Polisario, un groupe séparatiste dont l’origine remonte aux années 1970, occupait la zone-tampon de Guergerate, à l’extrémité du Sahara occidental. Il s’agit d’un territoire stratégique, car reliant par la route — goudronnée en 2016 par les autorités marocaines — le Maroc et la Mauritanie voisine. Par leur présence armée, les miliciens du Front Polisario empêchaient le passage des nombreux camions empruntant cette route, tout en facilitant celui des bandits et trafiquants en tout genre.

Autant d’« agissements inacceptables », pour le souverain marocain, Mohammed VI, qui dix jours après avoir demandé en vain l’aide des forces onusiennes présentes dans la région — la zone tampon de Guerguerate est, théoriquement, sous la responsabilité de la Minurso, l’opération de maintien de la paix sous égide des Nations Unies —, a décidé de faire intervenir les forces armées royales.

Le vendredi 13, les soldats marocains ont donc délogé, de manière pacifique — aucun coup de feu n’a été tiré à l’exception de tirs de sommation — les membres du Polisario, qui n’ont eu le temps que de mettre le feu à leur campement. Le Royaume « n’a eu d’autre choix que d’assumer ses responsabilités afin de mettre un terme à la situation de blocage et restaurer la libre circulation commerciale », a commenté la diplomatie marocaine, ajoutant que « le Polisario en assume seul l’entière responsabilité et les pleines conséquences ».

« Le Maroc reste ferme dans ses positions légitimes »

En intervenant sur zone, le Maroc devait en effet mettre un terme aux intrusions illégales et récurrentes du Polisario sur ce territoire. La brèche de Guerguerate représentait un risque de sécurité majeur et bloquait la libre circulation civile et commerciale, dont le rétablissement s’est fait en application de la légitimité internationale. Le blocage engendrait, en effet, de désastreuses conséquences économiques sur les consommateurs de Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et d’autres pays africains.

Loin d’être un coup de force ou de sang, l’intervention des forces armées royales a été décidée après que le Polisario a violé plus de cinquante fois le statu quo, le Maroc se contentant, après chaque intrusion, d’adresser un simple courrier de protestation aux Nations Unies. Sans réaction, la situation risquait donc de dégénérer.

« Le Polisario agit en violation complète de toutes les dernières résolutions du Conseil de Sécurité (de l’ONU) et son action vise à détruire le cessez-le-feu de 1991, estime ainsi le géopolitologue Aymeric Chauprade. Presque tous les pays du monde aujourd’hui reconnaissent la marocanité du Sahara occidental et constatent que le Maroc a réussi à la fois un réel développement de ses provinces du Sud et une réelle autonomie ». Selon lui, « le Maroc reste ferme dans ses positions légitimes et ne peut donc pas laisser dans l’insécurité à la fois sa frontière avec la Mauritanie et ses liens territoriaux avec l’Afrique ».

Partages